«Monsieur, faites la queue. Pensez aux gestes barrières ! Vous êtes trop près : reculez ! » Au premier sous-sol de la gare du Nord à Paris, juste au-dessus des quais du RER B, on s’énerve. Une dizaine d’agents de la SNCF entourés de policiers sont en train de distribuer des masques. Et une trentaine de voyageurs s’agglutinent pour avoir une chance d’en récupérer. Mais il n’y a pas à s’inquiéter outre-mesure : tout le monde en porte déjà un et ces protections contre le Covid-19 sont disponibles à foison. Au niveau 0, à l’entrée ou à l’intérieur, d’autres distributions sont d’ailleurs organisées : par les pompiers ou par la région Île-de-France (parce que « Valérie Pécresse a pris la mesure que l’État n’était pas prêt », confie le responsable envoyé par le conseil régional, très fier de sa patronne). On peut repartir sans aucun problème avec plusieurs lots de ce produit tant convoité et qui a suscité tant de polémiques ces dernières semaines, du fait de la défaillance de l’État en la matière (lire l’épisode 1, « Masques : la grande mascarade »).
Des masques, une population protégée à 100 %, on est décidément entrés dans une nouvelle ère. Pour ce jour de déconfinement, on avait décidé d’aller voir comment ça allait se passer à la gare du Nord, la première en Europe par sa fréquentation avec ses 700 000 voyageurs par jour en temps normal. Eh bien, la première réflexion que nous nous sommes faite, c’est qu’on est très, mais alors très loin d’être revenus à la normale. À 7 h 30, soi-disant « heure de pointe », la gare n’est pas déserte, mais l’impression qui domine quand on y pénètre, c’est celle d’un grand vide. La plupart des magasins sont fermés. Un Relay est ouvert, mais ses étals ne présentent aucun journal. « Nous ne recevrons la presse qu’à partir de mercredi », s’excuse un des vendeurs. Côté grandes lignes, pas d’Eurostar qui arrive bondé d’Anglais (les postes de contrôle aux frontières sont inoccupés), très peu de TGV à quai et personne sur les bancs à les attendre, rendant inutile le marquage au sol incitant à s’asseoir à une distance de sécurité. Côté trains de banlieue, les Transiliens qui arrivent en surface depuis l’Oise voisine ne déversent que quelques dizaines de personnes, contre plusieurs centaines en temps normal. Il y a en fait moins de voyageurs que d’agents dépêchés pour les surveiller. La SNCF a mis le paquet : policiers, agents de sûreté ferroviaire, agents d’accueil, vigiles… qui n’ont pas grand-chose à faire.