Que faut-il attendre ou craindre de la suspension du plan Écophyto ? Ce plan qui, après pas mal d’échecs depuis 2008 malgré d’énormes moyens engagés, promettait une baisse de 50 % de l’usage des pesticides d’ici à 2030, a été remis en cause par le gouvernement afin d’apaiser le mouvement de protestation des agriculteurs (lire l’épisode 11, « Les racines à sec de la colère agricole »). Eh bien ça risque de nous coûter un rein. Et on espère qu’on ne parle qu’au sens figuré. Selon les responsables de la production et de la distribution de l’eau potable interrogés par Les Jours, tout retard pris aujourd’hui pour réduire l’utilisation de pesticides aura des conséquences sur nos eaux du robinet pendant un long moment. Car l’eau en France est tellement contaminée par les pesticides et leurs résidus appelés métabolites qu’il est actuellement difficile de produire et de fournir de l’eau potable à tout le monde. Ces pesticides présents dans l’eau nécessitent des traitements qui se chiffrent déjà en centaines de millions d’euros par an en France.
Ce n’est qu’un début, alerte Franco Novelli, expert technique « eau » à la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies), organisme qui représente 500 collectivités dans le domaine de l’eau, soit 51 millions d’habitants : « Si on continue comme ça, dans quelques années, on va vraiment avoir du mal à produire de l’eau potable, même avec tous les traitements et solutions techniques possibles. Alors on pourrait avoir une France où des agglomérations moyennes et grandes pourront se payer une eau potable avec un gros coût de traitement d’un côté et, de l’autre, les communes rurales, là où vivent les agriculteurs, qui auront beaucoup plus de difficultés à avoir le même accès à l’eau. Ce qui poserait un réel problème d’équité. »