Alors ça y est. Après plusieurs semaines de tergiversation, la dissolution des Soulèvements de la Terre a été prononcée en Conseil des ministres ce mercredi matin. Le gouvernement, notamment le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, lui reproche d’occasionner des violences lors de ses actions, qu’il qualifie d’« écoterrorristes ». Ce mouvement, dans la lumière notamment depuis les différentes manifestations d’opposition aux mégabassines (lire l’épisode 1, « Eau, rage et désespoir »), est à l’inverse soutenu par des dizaines de milliers de citoyens, par des intellectuels et des spécialistes du vivant et de ses crises (Corinne Morel Darleux, Christophe Bonneuil, Baptiste Morizot…) et par de nombreuses personnalités et groupes politiques de gauche et écologistes. Ces derniers le considèrent comme légitime et en phase avec les enjeux écologiques et sociaux de notre époque. De nombreux observateurs s’inquiètent donc de cette décision gouvernementale et dénoncent une dérive autoritaire, une atteinte aux libertés fondamentales (comme Amnesty International France) et une décision influencée par les lobbys agro-industriels.
Dans ce contexte, nous avons interrogé l’auteur de BD et anthropologue Alessandro Pignocchi, coprésident de l’Association de défense des terres qui a pour projet d’être un « appui financier » des Soulèvements de la Terre. Cet ancien chercheur en sciences cognitives et en philosophie de l’art, élève et coauteur de la figure académique internationale et grand penseur du vivant Philippe Descola, est convaincu comme ce dernier que la façon dont on a défini le concept de « nature » dans le monde occidental est à la fois inopérante et nuisible. Cette position peut sembler très théorique mais nourrit beaucoup les débats actuels. Notre entretien n’évite pas une question cruciale : quelles violences sont légitimes dans un monde qui brûle ?
La ZAD de Notre-Dame-des-Landes, en Loire-Atlantique, lieu de naissance des Soulèvements de la Terre, est aussi un lieu marquant de votre trajectoire d’anthropologue et de militant politique. Qu’est-ce que ce territoire et ses luttes ont changé pour vous ?
Je suis de longue date sensibilisé à la question écologiste parce que je suis passionné d’oiseaux. Mais comme beaucoup de gens issus des classes relativement privilégiées, la question politique était assez abstraite pour moi. Aller sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes m’a procuré une espèce de choc de réalité.