Le Pen et l’économie : après l’impasse, l’imposture

Alors, élève Le Pen, avez-vous bien révisé votre économie cette fois ? Si on avait été choisi pour animer le débat télévisé de ce mercredi soir, voilà la première question qu’on aurait posée à la candidate du Rassemblement national (RN). Car il y a cinq ans, lors de la précédente confrontation de l’entre-deux-tours face à Emmanuel Macron, elle s’était illustrée par sa profonde méconnaissance des dossiers industriels et financiers. Ridiculisée, même. Souvenez-vous : malgré des antisèches (des dossiers qu’elle ne cessait de consulter pendant le débat), elle avait confondu SFR et Alstom, accusé à tort Macron d’avoir vendu les chantiers navals de l’Atlantique et, surtout, avait été incapable de détailler les conséquences concrètes d’une sortie de l’euro, la mesure-phare de son programme. En face, avec un air navré de bon élève qui, lui, a travaillé, Emmanuel Macron s’était régalé, lançant : « Vous lisez une fiche qui ne correspond pas à ce que vous dites. » Ou lui posant des colles : « On revient au franc ou pas ? Il y aura deux monnaies ? Notre dette, elle sera payée en euros ou en francs ? »

Après coup, Marine Le Pen avait justifié sa désastreuse performance par le « manque de préparation », dû à « un manque de temps ». Une excuse facile, qui n’avait pas convaincu son camp. C’est d’ailleurs après ce débat qu’Éric Zemmour s’était mis à penser que la présidente du RN n’avait pas le niveau et que lui pourrait faire mieux – ainsi que le raconte le journaliste Étienne Girard, auteur d’une biographie du candidat d’extrême droite, Le radicalisé (Le Seuil, 2021). Mais Marine Le Pen a de la ressource. Après avoir poussé hors de son parti Florian Philippot, qui ne jurait que par le Frexit, elle a totalement laissé tomber son idée de sortie de l’euro. Pour 2022, plus de mesure aventureuse : la candidate du RN est prudente et, surtout, elle veut faire sérieuse. Elle est allée présenter son programme devant plusieurs organisations patronales (le Medef, le mouvement Ethic…) et, lors de la conférence de presse de chiffrage de son projet présidentiel, on l’a entendue parler de « bonne gestion des deniers publics » et de « scénario central de la trajectoire budgétaire ». Pour autant, Marine Le Pen n’est pas rentrée dans le « cercle de la raison » économique cher à Alain Minc. Si son programme était appliqué, les finances du pays tangueraient certainement et la France se brouillerait avec ses principaux partenaires européens.

Le « Marinelepénisme » économique est en effet un drôle de mélange.