Chicago, envoyée spéciale
Michael Bradley ne ressemble pas à ces sympathisants de Donald Trump, fiers, révoltés, parfois outranciers que l’on rencontre facilement dans les États voisins de l’Illinois : le Wisconsin, l’Indiana ou l’Iowa. Ces rednecks un peu caricaturaux, enthousiastes à l’idée de porter quelqu’un de si transgressif à la présidence des États-Unis. Michael Bradley est un républicain convaincu, catholique, pro-life. Il est blanc. Il donnera sa voix à Donald Trump le 8 novembre. Sa femme est noire et ne veut pas, elle, en entendre parler. Il votera contre Hillary Clinton qu’il abhorre, tout comme d’autres démocrates que j’ai rencontrés voteront pour elle contre Donald Trump, qui les horrifie. Miroirs renversés d’une Amérique divisée.

Michael Bradley m’a donné rendez-vous dans un restaurant sans charme de Hyde Park à Chicago, le quartier depuis lequel Les Jours racontent la campagne présidentielle. Il habite non loin de là et y a de nombreuses activités. Ce matin, il arrive directement de l’église, où il se rend utile dès qu’il a un peu de temps. Au Valois, on peut déguster des pancakes, des omelettes, des French toasts. Les plats préférés d’Obama sont affichés, ainsi qu’une photo du Président avec le chef. Des policiers en uniforme finissent un petit-déjeuner en gardant un œil sur la rue. C’est le genre d’endroit où l’on peut rester toute la journée, en sirotant un café allongé à 1,40 dollar. Michael Bradley est un habitué.
Il arrive avec un livre d’histoire sous le bras – il en est friand –, une casquette sur ses cheveux blancs. Il sourit quand je lui dis que les pro-Trump ne sont pas si faciles à trouver à Chicago.
Je suis logique : je suis républicain, je soutiens le candidat républicain, même si ce n’était pas mon choix.
Juriste travaillant dans l’immobilier, Michael Bradley commence par me confier qu’il aurait préféré Marco Rubio ou John Kasich, des candidats moins excentriques, mais « ils ont échoué » dans la course de la primaire. Alors il ne s’embarrasse pas d’états d’âme. « Je suis logique : je suis républicain, je soutiens le candidat républicain, même si ce n’était pas mon choix. » Il renvoie l’argument à des interlocuteurs démocrates qui s’étonnent qu’il vote pour Trump, me dit-il : « Vous n’avez pas soutenu Hillary en 2008, vous avez choisi Sanders en 2016, mais vous voterez quand même pour elle à l’élection. C’est la même chose. » Il reconnaît que les deux candidats à la présidence sont très impopulaires, y compris dans leur propre camp.
« Trump est parfois agressif, immature, même ignorant. Il n’est pas très sophistiqué », poursuit le sexagénaire, diplômé de philosophie, qui parle avec courtoisie et ne se délecte pas des véhémences de l’homme d’affaires.