Chicago, envoyée spéciale
Il a été tué ici. Une balle dans la jambe, une dans le dos – entrée au niveau de l’épaule et ressortie près de l’œil –, alors qu’il fuyait la police. Il est tombé sur ce bout de pelouse, à l’intersection entre la 53e rue et Martin Luther King Drive, le 12 octobre 2014. Il avait 25 ans. Deux ans plus tard, presque jour pour jour, l’organisation Black Lives Matter organise un rassemblement à la mémoire de Ronald Johnson sur les lieux de son décès, à Washington Park, qui borde le quartier de Hyde Park à Chicago, où Les Jours ont décidé de s’installer pour raconter la campagne présidentielle américaine. L’agent de police qui a tiré cinq fois n’a pas été poursuivi. Par terre, les participants ont déposé quelques bougies en plastique, une citation de la prix Nobel de littérature Toni Morrison, un bouquet de fleurs et un portrait du jeune homme. Ils sont peu nombreux, une trentaine, dont une majorité de femmes et quelques Blancs. Certains ont enfilé un T-shirt à l’effigie de « RonnieMan », des enfants de la famille envoient des ballons dans le ciel. Dorothy Holmes, la mère de Ronald Johnson, est là. Son sweat-shirt rouge est bardé de badges portant le nom de son fils. C’est un samedi après-midi de deuil, de recueillement et de politique mélangés. Un jour de colère noire.

Kofi Ademola prend la parole. C’est l’un des leaders de Black Lives Matter à Chicago. « La police a tiré dans le dos de Ronald Johnson. Son assassin est toujours libre. Ces tragédies ne peuvent pas continuer : trop de jeunes hommes sont morts et on n’obtient pas justice. » Il s’interrompt un instant. « Alors que faire ? On doit construire notre propre force, notre propre pouvoir. » Un autre enchaîne : « Le policier a toujours son emploi mais cette mère n’a plus son fils. On paye des impôts pour que l’agent qui a tiré touche son salaire tous les mois. » Dorothy Holmes, aidée par Black Lives Matter, fait campagne pour que cet endroit soit rebaptisé du nom de son fils. Besoin de justice et aussi de symboles. Les réparations sont longues à venir.
On fait ceci pour les vivants, pour ceux qui sont encore là.
Les mots sont douloureux, imprégnés de rage. Dans l’assemblée, d’autres personnes ont également perdu un proche. Certains disent qu’ils ont l’impression d’avoir « une cible dans le dos ». Ils se tiennent par la main, communient. Ils prononcent à haute voix le nom d’autres victimes noires, tuées par les balles de la police. Page s’avance. C’est une étudiante de 26 ans née dans une petite ville du Vermont, « militante de la libération des Noirs ».