À Roubaix, il y avait « une bande de copains », disent-ils, qui gravitait autour d’une mosquée. Plusieurs sont partis en Syrie à la même période, en 2013. Certains sont revenus depuis, d’autres non. La justice a ouvert plusieurs enquêtes pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », dont l’une concernant trois hommes de 26, 29 et 31 ans qui ont comparu lundi et mardi devant la 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Contre Pierre T. et Mohamed B., libres à l’audience, le parquet a requis cinq et sept ans de prison ferme. Il demande dix ans et une peine de sûreté pour le dernier, Mehdi K., un ex-militaire français qui dort déjà à Fleury.
En blouson beige dans le box, Mehdi K. semble légèrement nerveux. Il se lève d’un bond quand le président Denis Couhé appelle son nom, répond trop vite, avec un phrasé typique de banlieue mélangé à un reste d’accent du Nord. Dans sa tête, ça a l’air d’aller à cent à l’heure. Mehdi K. a la barbe courte – « c’est génétique », expliquera l’un de ses coprévenus – les yeux vifs et le sourire en coin facile. Il est resté en Syrie de juin 2013 à février 2014 mais n’a été interpellé qu’en avril 2015. Désormais, explique la procureure, les « revenants » sont arrêtés « au pied de l’avion ».
Dans son ancienne vie, Mehdi K. était militaire, de 2005 à 2010. « Opérateur tourelle sur les chars Leclerc » dit-il, Mehdi K. a été envoyé au Tchad, en Côte d’Ivoire et au Sénégal. La procureure note qu’il a aussi été formé à utiliser un lance-roquettes. Dans sa famille de harkis, il n’est pas le premier à « combattre pour la France » : « Mes ancêtres ont suivi cette voie. » « Son arrière-grand-père était à Verdun, son grand-père à Monte Cassino, son père a également été dans l’armée », précise son avocat, Yassine Yakouti. Mehdi K. a aussi un frère, « même régiment, même idéologie » commente la procureure, qui a fini par déserter comme lui, mais sans partir en Syrie.

La famille de Mehdi K. est venue assister à l’audience. Son père et sa mère, voilée de noir, sont musulmans pratiquants. Mais jusqu’en 2009, date de sa conversion, le prévenu, sans « aucune conviction », ne faisait ni prière ni ramadan. Des vidéos « sur le darwinisme et le créationnisme » l’ont convaincu. À l’armée, « on n’acceptait pas le fait que je sois musulman », du moins l’importance que la religion a soudain prise dans sa vie.