Sans le jihadisme, la justice antiterroriste se serait-elle retrouvée au chômage technique ? La magistrate Laurence Le Vert n’est pas loin d’un tel constat, exprimé devant les sénateurs : Le nombre de dossiers corses et basques a considérablement chuté, le contentieux kurde n’est plus vraiment à l’ordre du jour. La majorité des dossiers concerne désormais le contentieux du jihad en Syrie.
Reflet des mutations géopolitiques et des priorités politiques de l’époque, l’activité du pôle antiterroriste a connu un véritable bouleversement ces cinq dernières années.
L’organisation séparatiste basque ETA renonce à la violence en 2011, après plus de quarante ans de lutte armée. Le Front de libération nationale corse (FLNC), principal groupe armé de l’île, fait de même en juin 2014. Deux « bons clients » de l’antiterrorisme français sont en train de disparaître.

Bien sûr, il reste quelques dossiers corses en bout de course à la galerie Saint-Éloi. Le jour de son départ à la retraite, fin juin, Laurence Le Vert signe un non-lieu très attendu concernant « la piste agricole » de l’affaire Érignac. Alors que le parquet avait requis l’abandon des poursuites en mai, 31 personnes restaient mises en examen depuis dix-sept ans (deux avaient même eu le temps de mourir entre-temps), ce qui rendait fous les avocats. J’écrivais à Laurence Le Vert tous les lundis matins à 9 heures
, se souvient Emmanuel Mercinier-Pantalacci, qui défendait sept personnes dans cette enquête à l’arrêt depuis des années et désormais classée.
Il n’y a quasiment plus d’actions. On racle les fonds de tiroir.
D’autres affaires séparatistes s’orientent plutôt vers un procès. Côté corse, trois membres de Ghjuventù Indipendentista (« la jeunesse indépendantiste ») doivent comparaître devant la cour d’assises spéciale fin septembre, juste après un couple d’etarras côté basque. Avant de quitter ses fonctions cet été, le juge d’instruction antiterroriste Alain Gaudino a renvoyé un autre dossier corse devant la même cour – des attaques contre des résidences secondaires en 2012. Les enquêtes toujours en cours se comptent sur les doigts d’une main, comme celle sur les tirs de roquettes contre les gendarmeries d’Ajaccio et de Bastia, en 2013. Depuis, rappelle l’avocat Alexandre Albin, il n’y a quasiment plus d’actions. On racle les fonds de tiroir. Il ne reste que des dossiers pas très intéressants qui reposent sur les constructions intellectuelles des enquêteurs et des juges d’instruction
. Les nouvelles « affaires kurdes », elles aussi, sont rares.