L’objet du litige s’appelle Fijait (prononcer « figète »), pour « Fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes ». Comme son nom l’indique, il vise à répertorier les personnes condamnées par la justice française pour des crimes et délits commis « en relation avec une entreprise terroriste ». Cet été, des nationalistes corses récemment sortis de prison ont appris qu’ils y étaient inscrits et qu’ils devaient, en conséquence, se plier pendant dix ans à certaines contraintes : justifier de leur domicile chaque trimestre et prévenir quinze jours à l’avance s’ils partent à l’étranger. Ils ne sont pas contents du tout.
Pour comprendre ce qui chiffonne les Corses, il faut revenir à la genèse de ce fichier. Le 13 janvier 2015, juste après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper-Casher, Manuel Valls est à l’Assemblée nationale pour un discours en hommage aux victimes
. Le Premier ministre annonce diverses mesures, parmi lesquelles la mise en place d’un nouveau fichier
qui obligera les personnes condamnées à des faits de terrorisme ou ayant intégré des groupes de combat terroristes à déclarer leur domicile et à se soumettre à des obligations de contrôle
. L’idée est adoptée six mois plus tard, dans la loi renseignement.
Finalement, le Fijait ne concerne pas que les condamnés pour terrorisme, mais aussi les personnes déclarées irresponsables pénalement (pour cause de troubles psychiatriques) et celles qui violent leur interdiction de sortie du territoire. Les simples mis en examen dans des affaires terroristes peuvent également être inscrits, si le juge d’instruction chargé de l’affaire l’estime nécessaire (lire l’épisode 1, « La galerie des neuf juges »). Mais cela ne s’est jamais fait pour l’instant, d’après le ministère de la Justice. En cas de non-lieu ou de relaxe postérieure, leur nom doit être effacé du fichier. L’apologie du terrorisme et la consultation de sites en sont par contre exclues.

Le fonctionnement du Fijait est très proche d’un autre fichier, lui aussi placé sous l’autorité du ministère de la justice : le Fijais (prononcer « figèsse », à ne pas confondre avec les « fiches S »), consacré, lui, aux auteurs d’infractions sexuelles depuis la loi Perben II adoptée en 2004. Le temps de prendre un décret d’application et de construire le logiciel adéquat, le Fijait entre en vigueur le 1er juillet 2016. Et il remonte le temps : progressivement, des personnes condamnées avant la mise en œuvre du fichier y sont intégrées.