À 11 h 24 du matin heure de Washington, le samedi 7 novembre, le légendaire anchorman de CNN Wolf Blitzer a annoncé l’information que des milliards de personnes rivées à leurs écrans depuis quatre-vingt-seize heures attendaient. Selon les projections de la chaîne, Joe Biden remporte son État natal de Pennsylvanie et les 20 grands électeurs ainsi glanés lui assurent de franchir la majorité requise des 270 grands électeurs sur 538 pour devenir président des États-Unis. À sa troisième tentative et à l’âge canonique de bientôt 78 ans (lire l’épisode 30, « My name is Joe »), Joe Biden est alors considéré comme le « président élu », le « president-elect » en compagnie de sa colistière, Kamala Harris, première femme à accéder à l’un des deux postes majeurs de l’exécutif aux États-Unis. Cette projection était bientôt confirmée par tous les autres grands réseaux de la télévision états-unienne, dont la conservatrice Fox News, apparue pendant ces quatre ans comme le principal relais dans l’opinion publique de l’administration Trump. Par une ironie de l’histoire, Fox News était même la seule à accorder à Joe Biden depuis la nuit de l’élection la victoire dans l’Arizona, ce qui avait déclenché la fureur du camp Trump, ainsi que le raconte le New York Times.
Dès lors, Joe Biden, annoncé comme le futur président des États-Unis, commence à se comporter comme tel. Il a prononcé au soir du 7 novembre un grand discours de victoire, promettant de guérir l’Amérique en la réconciliant (« time to heal America »). Mais cette reconnaissance de victoire ne provient pour l’heure que des projections électorales des grands médias, ce que ne manque pas de souligner le président sortant Donald Trump, enfermé dans son refus de reconnaître la victoire de son rival. La situation inédite dans l’histoire des États-Unis créée par ce président refusant par avance toute défaite, sinon par la « tricherie » et le « vol », souligne en tout cas les fragilités du système de transition présidentielle états-unien.
La première tient à la fois à la taille de ce pays fédéral avec cinquante États s’étendant sur six fuseaux horaires et au suffrage universel indirect employé pour l’élection. Les électeurs ont voté le 3 novembre pour désigner dans leur État les grands électeurs du candidat qu’ils veulent comme président.