
Hoshi, Cœur parapluie (Jo&Co, 2023)
Si j’écoutais mon moi de plus de 40 ans, je vous aurais parlé cette semaine du nouvel album bien abstrait de Slowdive ou de celui de Jaimie Branch, morte l’an dernier sans avoir vu sortir ces chansons où elle dépassait largement le jazz (lire l’épisode 19 de la saison 1, « Jaimie Branch rebranche John Lurie »). Ç’aurait été bien confortable, la ligne claire du daron qu’on croise chez Gibert Musique le samedi à 14 h 30. Mais non, car cette chronique hebdomadaire a une règle simple : se laisser porter par une idée, même si celle-ci est parfois pas terrible au départ. Voilà donc celle de cette semaine déclenchée par le quatrième album de Mathilde Gerner, alias Hoshi, 26 ans aujourd’hui, qui réveille des sentiments adolescents assez émouvants. Car Cœur parapluie, c’est son nom, c’est typiquement le genre de disques que le moi de 14 ans aurait scotché dans le lecteur CD pendant plusieurs mois sans l’en sortir. Une collection de chansons d’adulte qui grandit à peine et balance ses sentiments sans filtre, parfaites pour secouer un·e adolescent·e qui explore ces mêmes émotions sans forcément les comprendre, mais en sachant bien que ça fait du bien de se faire du mal avec tout ça. Même si c’est les problèmes des autres.
Ces dernières années, Hoshi est malgré elle apparue plus souvent dans les rubriques justice que dans les pages musique. La faute à la violence à distance qui s’est abattue sur elle après la soirée des Victoires de la musique en 2020, où elle était sélectionnée dans la catégorie « révélation scène » et avait eu la liberté pourtant pas spécialement punk d’embrasser une femme à une heure de grande écoute. Pas loin d’une décennie après le déferlement homophobe qui a accompagné la loi pour le mariage pour tous, les mêmes haines se sont alors concentrées sur la jeune femme. Hoshi y a laissé deux années de sa vie comme elle dit, dans un enfer quotidien en ligne puis dans la rue, quand un groupe d’internautes a directement menacé sa sécurité. Elle a dû déménager plusieurs fois, mettre en place un paravent numérique et physique pour se protéger, jusqu’au procès du seul majeur interpellé par la police dans cette affaire devenue un symbole du harcèlement en ligne. C’était en juin dernier. Maël H. a été condamné à huit mois de prison dont six avec sursis, sans émettre de regrets ou même montrer qu’il mesurait la violence de ses actes lors des audiences.

Tout cela est admirablement digéré dans Cœur parapluie, au fil de ces treize chansons écrites comme un journal très personnel et rassemblées sous ce titre qui évoque le petit parapluie que tient le géant Totoro pour s’abriter avec sa jeune amie dans le film d’Hayao Miyazaki.