Helado Negro, Far In (4AD, 2021)
Roberto Carlos Lange a arrêté le café. Ça ne se ressent pas spécialement dans la musique que l’Américain signe depuis une grosse dizaine d’années sous le pseudonyme Helado Negro (« Glace Noire » en espagnol), qui est depuis quelques albums un refuge paisible, mais c’est le symbole de toutes les ruptures personnelles qu’il a rassemblées dans Far In, son remarquable septième album en douze ans (!). Ce disque-là était pour la première fois sérieusement attendu après le succès de This Is How You Smile en 2019, album impeccable où Helado Negro atteignait un sommet en matière de pop caressante tout en faisant systématiquement un pas de côté qui rendait sa musique joyeusement déstabilisante. Placée très frontalement au premier plan, sa voix chaleureuse nous contait des poésies très personnelles comme on chante quelque chose aux enfants pour les rassurer ; mais derrière, ça s’agitait sévère à la guitare acoustique ou au clavier instable.
Far In est en même temps un après et tout autre chose. La voix de Roberto Carlos Lange, qui garde des sonorités moites de son enfance en Floride au milieu de parents venus d’Équateur, est toujours aussi présente que patiente. Même si Helado Negro n’est pas le plus grand chanteur du moment, c’est elle que l’on retrouve avec une vraie passion parce qu’il nous parle directement : il est pleinement là, investi mais pas dragueur. C’est avant tout pour lui qu’il chante, parce que ça lui fait du bien.