
The Beatles, Let It Be (Super Deluxe) (Calderstone Productions/Universal Music)
Ça recommence. Depuis que le catalogue des Beatles a changé de crèmerie après le dépeçage d’EMI, maison de disques historique des quatre Anglais les plus rentables de l’histoire de la pop, chaque année voit débarquer son coffret anniversaire définitif
Pour son film, le réalisateur néo-zélandais a plongé dans les dizaines d’heures de tournage laissées de côté après la sortie du film Let It Be, en 1970, qui documentait l’enregistrement du disque et le fameux dernier concert des Beatles sur le toit venteux de leur maison de disques, Apple Records, en plein Londres. Ce qui ne nous dit pas ce que l’on va faire de tout ça. Car Let It Be, film ou disque, est un objet encombrant dans le récit des Beatles. C’est donc le dernier album paru (en mai 1970) mais l’avant-dernier enregistré (en janvier 1969), avant Abbey Road (à l’été 1969), qui est un bien meilleur disque et aurait fait un testament parfait. À la place, on a donc Let It Be, une collection de chansons pas toujours finies et pas toujours des plus inspirées, dominées par quelques réussites parce que, quand même, c’est les Beatles : la chanson-titre Let It Be où Paul McCartney chante admirablement bien, Get Back pour sa ligne de basse et la batterie parfaitement mécanique de Ringo Starr qui semble annoncer le krautrock allemand (lire l’épisode 101, « Rien Virgule et Agitation Free, voyages en airs inconnus »), Across the Universe pour le traitement fantomatique sur la voix de John Lennon et les chœurs déjà funèbres.
Tout le reste du disque flotte dans un blues-rock enlevé qui était la commande que s’étaient donnée les Beatles, qui ont lancé le projet (qui s’appelait au départ Get Back) comme un retour sur le terrain, quatre garçons qui jouent du rock dans un même élan, comme à leurs débuts à Liverpool ou dans les clubs moites de Hambourg. Le film et le disque devaient documenter ce travail, heureusement sauvé de l’ennui par le piano électrique de Billy Preston, cinquième Beatles d’un seul album qui avait la difficile tâche de scotcher entre elles les compositions disparates plus ou moins Lennon ou plus ou moins McCartney.