
Xenia Rubinos, Una Rosa (Anti, 2021)
Il y a des disques où l’on se perd. Mais on sait qu’il faut y revenir parce qu’ils sont importants, qu’ils vont habiter le monde pendant longtemps. Le troisième album de l’Américaine Xenia Rubinos est certainement de ceux-là et c’est aussi l’une des grandes réussites pop de cette année qui s’achève. Un disque de pures chansons qui foutent les poils, de synthés nocturnes, de mariachis fantômes, de rap et de R’n’B et d’autotune revendicatif. Tout ça dans l’ordre et dans le désordre, Una Rosa s’écoute comme on lit un journal intime trouvé dans une location de vacances, c’est en même temps malaisant et totalement fascinant.
Xenia Rubinos est née dans le Connecticut et vit aujourd’hui à New York. On l’a vue apparaître avec Magic Trix en 2013, un disque fait maison et sorti avec ses petits bras avant d’être récupéré par le label Anti (Tom Waits, Moor Mother…), qui se fait de plus en plus aventureux depuis dix ans. Avant d’en arriver là, elle a arpenté les couloirs de la Berklee School of Music, découvert que l’école et ses camarades la considéraient comme une femme avant d’être une compositrice, tout plaqué et redécouvert sa voix pour la placer au centre de sa musique. On devrait même dire ses voix, tant Una Rosa montre un registre très vaste de ce côté-là : le maximalisme néo-soul de Working All The Time, le rap nineties de Cógelo Suave, la chanson émotive de Don’t Put Me In Red. Xenia Rubinos a mis toutes ses envies dans ce disque, jusqu’à la surcharge par endroits.
Dans ce troisième album, l’Américaine s’est aussi ouvertement penché sur son héritage culturel. Fille d’émigrés venus de Porto Rico et de Cuba, elle a baigné dans les chansons populaires des deux îles hispanophones et tout cela est ressorti d’un coup pendant le complexe processus d’écriture d’Una Rosa. Épuisée, vidée par des mois de tournée après son deuxième album Black Terry Cat, bloquée par les confinements et surtout endeuillée par la mort récente de son père, Xenia Rubinos a cherché sa route, écrit beaucoup, jeté encore plus. Elle a aussi beaucoup zoné sur YouTube à écouter des vieux chanteurs portoricains ou des orchestres cubains en noir et blanc. Puis, elle a trouvé une inspiration bizarre dans le souvenir d’une lampe kitsch qui trônait dans la chambre de sa grand-mère pendant son enfance. Une lampe qui changeait de couleur toute seule et diffusait une petite mélodie prenante :