
Alfredo Fiorito, The Original Sound of Ibiza (Ministry of Sound, 2007)
Le nom est revenu dans l’actualité française cette semaine et il est plombé par les symboles : Ibiza. L’île des Baléares qui, dans l’imaginaire collectif, veut dire fête non-stop, mojito dans la piscine à 11 heures, saladiers d’ecstasy, David Guetta les bras en l’air devant une foule de vacanciers sur-bronzés arrivés le matin même en Easyjet depuis toute l’Europe. C’est là que Jean-Michel Blanquer, ci-devant ministre de l’Éducation nationale et coresponsable de la gestion d’une crise sanitaire historique, est venu passer quelques jours juste avant la rentrée de janvier, au moment même où les enseignants et directrices d’école de toute la France étaient sur le pont pour tenter de se préparer au tsunami annoncé du variant Omicron. À part Gstaad, le yacht de Kim Kardashian et Cancún, il n’aurait pas pu choisir un lieu plus symboliquement inapproprié au moment et c’est l’un des leviers majeurs de l’indignation soulevée par la révélation de ces vacances baléariques.
Car Ibiza, ça ne fait pas sérieux depuis au moins les années 1990, quand la fête y est devenue une industrie qui a effacé le caractère profond de l’île, son histoire complexe, la musique qui s’y est inventée, et ce que l’île est aujourd’hui. C’est-à-dire le pire et le meilleur en même temps, le cradingue et le paisible en dimensions parallèles qui ne se croisent pas : les riches fêtards enfermés dans les carrés VIP des clubs et leurs bateaux gardés ; les étudiants anglais tout rouges acheminés par charters entiers, qui dorment à huit dans un studio et cuvent leur nuit sur la plage de Sant Antoni ; les familles
Dans ce processus, l’île a même réussi à effacer ses beaux moments musicaux, notamment son milieu des années 1980, quand s’est inventée à Ibiza une musique libérée qui a lancé à travers toute l’Europe l’époque des raves sans fin.