
Odezenne, 1200 mètres en tout (Universeul, 2022)
Un jour, dans une interview, les trois Odezenne ont indirectement résumé leur musique : « On peut être responsable, tout en se défonçant la gueule de temps en temps. » Voilà le programme depuis le début, qui se précise de disque en disque depuis l’apparition du trio bordelais avec Ovni (2011), un album qui empilait des jeux de mots sur des glissades paillardes, déjà intéressant musicalement mais repoussé depuis par le groupe comme une préhistoire de sa musique. 1200 mètres en tout, le nouvel album d’Odezenne, est donc le quatrième mais officiellement le troisième, qui vient prolonger l’évolution entamée avec Dolziger Str. 2 (2015) puis Au Baccara (2018) vers un équilibre qui n’appartient qu’à eux, entre ruminations de papas et amours de fêtards mélancoliques qui ont abandonné la mauvaise vodka de la supérette pour passer au vin rouge en biodynamie.
Odezenne est une anomalie salvatrice. Un groupe qui se construit depuis dix ans maintenant en marge du système de la musique tout en s’en servant très habilement, qui s’est lentement insinué dans la psyché de ses auditeurs jusqu’à faire intimement partie de leur vie et de gagner la capacité de lever une armée de fans pour remplir un Olympia à la seule force de sa mailing list et de ses réseaux sociaux. Une petite secte, en somme, bordélique et passionnée, qui trouve dans les volutes bizarres des chansons d’Odezenne largement de quoi éponger toute question existentielle née de la France d’aujourd’hui, des amours foireuses au cul d’un soir, des amitiés profondes aux boulots qui ne servent à rien.

L’ambitieux Dolziger Str. 2 s’était construit à Berlin dans un hiver solitaire où la nuit tombe à 15 heures, mais c’est dans Au Baccara qu’Odezenne a trouvé son modus operandi actuel : traîner à la maison, boire des coups, accueillir les potes dans une fête quasi permanente et descendre au studio-cave quand un son sorti d’un instrument ou d’une machine par Mattia Lucchini