
Dowdelin, Lanmou Lanmou (Underdog Records, 2022)
Par nature, les musiques créoles sont des mélanges de cultures qui se sont retrouvées déracinées ensemble loin de leurs terres, souvent par la force, à l’époque de la traite négrière. En Martinique et en Guadeloupe, ce mélange a donné la biguine, la kadans, le gwoka puis le zouk, surgissement ultramoderne et éminemment influent de la fin des années 1970 autour du collectif Kassav’. Ces îles bouillonnaient à cette époque de mille expérimentations avec les nouveaux outils de la musique (synthétiseurs, instruments électroniques, sonorités artificielles), mais le succès international du zouk a aussi eu pour effet de bord de le figer peu à peu dans une norme, une « pureté » stylistique contradictoire.
C’est là qu’arrive un groupe comme Dowdelin, qui, dans son deuxième album, Lanmou Lanmou, tout juste paru, se moque bien de tout ça et a décidé d’injecter toute la modernité sonore disponible aujourd’hui dans le zouk, mais aussi dans la kadans et d’autres styles martiniquais. Désormais quartet, le groupe lyonnais s’est formé en 2016 autour de la chanteuse Gwendoline Victorin, alias Olivya, qui a grandi de ce côté-ci de l’Atlantique mais a baigné dans la culture antillaise, et du producteur David Kiledjian. Lui, on l’a vu comme musicien ou fabricant de l’ombre aussi bien auprès du groupe Vaudou Game que du pianiste arménien Tigran Hamasyan. Avec Olivya, il a commencé par monter un duo nommé Fowatile, qui arpentait surtout une electro musclée sur beats et flow hip-hop. Le projet n’est pas allé très loin, mais il a servi à élaguer les envies pour passer à autre chose avec Dowdelin. Ce sont les arrivées du Guadeloupéen Raphaël Philibert, percussionniste et saxophoniste très ouvert aux expérimentations sonores, puis du batteur Gregory Boudras qui ont scellé la mutation.

Dès son premier album en 2018, Carnaval Odyssey, Dowdelin s’est plongé dans les musiques antillaises avec beaucoup de liberté, les faisant passer par le filtre d’une électronique glitchée, d’un R’nB moderne et du jazz actuel nourri de hip-hop. Olivya y chantait en français ou en anglais, mais peu en créole. C’est sur ce point qu’insiste aujourd’hui le deuxième album des Lyonnais, Lanmou Lanmou (« L’amour, l’amour »), qui pousse tous les curseurs de la musique de Dowdelin un peu plus loin avec une vraie réussite.