Benjamin Epps et Mobb Deep : leur cœur fait boum bap

Benjamin Epps, Vous êtes pas contents ? Triplé ! (Mocabe Nation)

En deux ans, Benjamin Epps a publié trois mini-albums qui l’ont installé dans une bulle bien à lui du rap français. Dans le même temps, il a tendu un pont entre sa musique et l’électronique noir de Vladimir Cauchemar sur une musique tirée des Chevaliers du Zodiaque (Blizzard), avant de croiser l’Américaine Santigold et le producteur français Pedro Winter dans MPC 2021, un hommage à DJ Mehdi qui fut lui aussi une courroie de transmission entre les univers créatifs de la musique. Dans ce début de carrière à 180 degrés, Epps parle aux médias rap autant qu’à France Inter ou Télérama ; il a un bout de pied partout et c’est en même temps une qualité et sa plus grande fragilité. Car il pourrait noyer sa musique à force de s’éparpiller, mais son dernier EP en date, qui emprunte son titre à une fanfaronnade du footballeur Kylian MBappé, Vous êtes pas contents ? Triplé !, a justement pour ambition de le réinstaller pour ce qu’il est avant tout : un rappeur de terrain.

Benjamin Épembia, qui vit en France depuis son adolescence, est né en 1996 à Libreville et a grandi dans l’ombre d’un père engagé en politique et – surtout – de son grand-frère Cam, pionnier du rap gabonais des années 1990. C’est lui qui arrosait la maison de CD de rap français à l’époque des NTM, IAM ou Ideal J, avant que Benjamin ne découvre la version américaine de ce premier âge d’or, autour de EPMD, Mobb Deep, Nas, 2Pac ou Notorious BIG. En 2021, quand le rap francophone actuel est entièrement offert à la trap ou à la drill, des rythmiques très sèches, tournoyantes et électroniques, Benjamin Epps regarde lui bien souvent vers ses passions passées d’adolescent. Il est resté coincé dedans, mais sa nostalgie est conquérante.

Déjà, dans son EP Fantôme avec chauffeur de 2021, on trouvait son flow haut perché sur des productions minimalistes et un beat facilement boom bap, ce « tchac-boum » typique du rap américain des années 1990, pendant que des samples de guitare ou de piano tournent en boucle dans le fond. Il y citait en vrac Biggie (Notorious BIG) comme il cite aujourd’hui le Belge Isha, autre passionné de rap nineties dont on a déjà parlé dans ces pages (lire l’épisode 36, « Isha et le rap belge : à fond les Wallons »). De même, tout, dans la voix et les gimmicks de Benjamin Epps, évoque furieusement le rappeur de Buffalo Westside Gunn et son trio Griselda.