Sprints, A Modern Job (Nice Swan Recordings)
Ça dure quinze minutes et trente secondes, il n’y a rien qui déborde et je n’avais besoin de rien de plus en ce moment que ce nouveau cinq-titres des Irlandais de Sprints. Ça s’appelle A Modern Job et c’est, au milieu d’une scène rock à qui il ne reste plus que son énergie et son attitude pour avancer, exactement le programme : un rock mi-garage mi-punk-rock mi-propulsion post-punk (oui, ça fait trois moitiés parce que c’est comme ça), avec un supplément de hargne et d’envie qui catapulte le quartet de Dublin au-dessus du lot sans forcer.
Amis depuis un bout de temps et membres, ensemble ou séparément, d’une tripotée de groupes sans lendemain, la chanteuse Karla Chubb, le guitariste Colm O’Reilly et le batteur Jack Callan se sont pris une grosse claque collective un soir de 2019 pendant un concert de Savages, le groupe londonien emmené par la Française Jehnny Beth, et se sont motivés pour lancer un nouveau projet, Sprints, avec le bassiste Sam McCann. La seule différence, mais celle qui fait tout, c’est qu’ils ont décidé d’avoir quelque chose à dire et de ne pas confier l’avenir de ce nouveau groupe à la seule sueur. Il y en a évidemment dans ces chansons, c’est l’idée de base, mais Sprints est apparu dès ses premiers titres autoproduits de 2020 comme un groupe qui veut raconter des histoires au milieu de ses guitares et frappes de batterie toujours au cordeau. Ce Modern Job, dont tous les morceaux ont été disséminés ces derniers mois, vient parfaire ce projet à coups de mélodies parfaitement vicieuses et sans perdre de temps dès How Does the Story Go, une chanson vécue de l’intérieur qui évoque l’ennui maquillé de la vie de couple :
« Je jure devant Dieu que je suis la seule connasse ici qui ne va pas bien […]
Tout le monde semble avoir tellement de temps
Tout le monde semble avoir tellement de temps, mais je perds le mien »
C’est Karla Chubb qui chante ça d’une voix pleine de hargne tout en restant complètement pop la plupart du temps, au milieu de deux déraillements comme on pète un plomb. Puis les choses s’accélèrent dans Modern Job, la chanson-titre de ce disque qu’on écoute comme on lit partout sur les réseaux sociaux les inquiétudes d’une génération qui sait que sa vie bousillée par la faute des plus anciens ne va pas s’améliorer.
« J’aimerais être plus audacieuse
J’aimerais être courageuse
Et j’aimerais ne pas compter mes jours
Avec les choses que je n’ai pas dites
Et j’aimerais avoir les tripes
J’aimerais avoir le culot
J’aimerais avoir une copine
J’aimerais tout avoir
J’aimerais être mariée
J’aimerais être riche
J’aimerais avoir une vie
Et j’aimerais qu’elle soit différente »