
Little Simz, No Thank You (Forever Living Originals, 2022)
Le sixième album de la Britannique Little Simz, No Thank You, est une reprise de contrôle et la dernière grande sortie de l’année 2022. Sixième album oui, en sept ans, depuis l’apparition très décidée de Simbiatu Ajikawo dans un monde du rap où elle occupe une place bien à elle, « ni sexy ni hardcore » comme elle le résumait dans une interview en 2015. Depuis ses 9 ans, celle qui en aura 29 fin février fomente exactement la carrière qu’elle dirige aujourd’hui, faite de grande musique et d’une voix apaisée qui dit les choses très frontalement, et dans ce processus, No Thank You apparaît comme une pièce maîtresse. Un bilan d’étape magistral.
« Et la musique ? », lui demandait en novembre le magazine Rolling Stone, à la toute fin d’une interview qui se concentrait sur son travail parallèle d’actrice dans la série Top Boy de Netflix. « Ça se pourrait, a répondu Little Simz. Il y en aura peut-être davantage à venir. » À peine quelques semaines après, le 12 décembre, No Thank You débarquait sur les plateformes de streaming accompagné d’un rapide tweet. C’est tout. C’était deux semaines avant que l’année soit pliée, trop tard pour les classements qui occupent tous les médias musicaux et trop tard pour atteindre les magasins de disques. Tout, dans la publication de No Thank You, jusqu’à cette sortie un mardi au lieu de l’habituel vendredi, s’alignait parfaitement sur le propos de ce disque : « Non merci », Little Simz ne jouerait plus le petit jeu du système si celui-ci l’empêche d’être celle qu’elle veut être.
Ce système l’a peu à peu happée ces dernières années, après un début de carrière autoproduit où Little Simz se promenait aux frontières du rap expérimental, du grime et (déjà) d’une quête soul très téméraire. Chaque fois, ses albums étaient des disques denses et porteurs d’une certaine douceur au milieu de productions qui pouvaient être coupantes, d’une forme d’apaisement qui mettait en son le caractère taiseux mais jamais effacé de la Londonienne. Little Simz s’y révélait une grande rappeuse furieusement britannique, avec son accent qui doit autant à son quartier d’Islington, dans le nord de Londres, qu’à la culture yoruba de sa mère, venue du Nigeria avant d’élever ses enfants seule, dont la plus grande des sœurs travaille aujourd’hui comme agente pour le cinéma et accompagne la plus jeune, « Simbi ».