
Hako Yamasaki, Tobimasu (réédition, WRWTFWW Records, 2022)
Si on ne suit pas la musique de très près, on réalise mal à quel point sa libération sur internet a transformé notre vision de son histoire. Avant le mp3, Napster, le peer-to-peer, MegaUpload, YouTube, Bandcamp et les plateformes de streaming, celle-ci se racontait pour le commun des auditeurs en un ping-pong qui partait d’Europe pour sauter sur le continent américain et nous revenir ensuite. En caricaturant à peine, le reste était périphérique, une bande de zazous qui tapent sur des bambous ou n’importe quel autre truc qui résonne. Il fallait devenir spécialiste et arpenter des recoins rares (magasins, conventions, catalogues de vente par correspondance) pour réussir à s’intéresser au rock turc ou aux polyphonies tahitiennes. Tout cela a été intégralement rebattu ces 25 dernières années et beaucoup d’artistes et de musiques ont trouvé leur place dans une nouvelle histoire et une nouvelle géographie de la musique. C’est aussi l’histoire de la Japonaise Hako Yamasaki, dont la musique est remontée à la surface sur YouTube avant de faire naître un culte patient et une série de rééditions qui atteignent enfin nos rivages européens. Et c’est beau.
Hako Yamasaki a 65 ans aujourd’hui et une discographie d’une bonne vingtaine d’albums entamée très tôt, à 18 ans, par un disque merveilleux nommé Tobimasu. Cela veut dire quelque chose comme « je m’envolerai », et elle a enregistré ces chansons après avoir été repérée dans un concours de chant dans sa ville de cœur où elle a passé son adolescence et qu’elle n’en finit pas de chanter, Yokohama. Puis elle a rodé ces chansons et beaucoup d’autres en faisant des apparitions tard le soir dans une émission de la radio TBS à Tokyo, où elle s’est construit peu à peu un public de couche-tard et de galériens qui vont parfaitement à sa musique solitaire

On est en 1975 et le Japon est entre deux eaux musicalement.