
Lana Del Rey, Did You Know That There’s a Tunnel under Ocean Blvd (Polydor, 2023)
À l’âge des séries que l’on retrouve régulièrement comme on retrouve sa famille, Lana Del Rey revient avec une impressionnante régularité avec son journal intime transformé en chansons. Cette année, la livraison s’appelle Did You Know That There’s a Tunnel under Ocean Blvd, un titre autoparodique pour celle qui truffe ses paroles de références géographiques et culturelles depuis ses débuts, il y a bientôt 15 ans. Elizabeth Woolridge Grant, de son vrai nom, en a 37 aujourd’hui et confirme avec ce neuvième album qu’elle a sa place parmi les artistes qui traverseront les décennies sans forcer
Surtout, Lana Del Rey trouve avec ce disque une constance qui lui a trop fait défaut au début de sa carrière. Après son explosion publique en 2011 avec son tube en ligne Video Games, elle a tenté beaucoup de choses, livrant de grandes chansons coincées entre autant de tentatives inabouties qui avalaient le rap, la soul, le rock ou des productions synthétiques mais manquaient de liant. On se perdait trop vite dans ce méandre indécis qui n’avait comme ligne directrice que ses envies très libres et une célébration permanente d’une Californie mythifiée par celle qui est new-yorkaise de naissance. Born to Die, Ultraviolence, Lust for Life… Chaque étape avait ses qualités mais traversait l’air sans convaincre complètement. Puis Lana Del Rey a trouvé son point d’équilibre en 2019 avec Norman Fucking Rockwell ! (lire l’épisode 13, « Lana Del Rey et Dennis Wilson, California Dreamin’ »), enfin son grand disque cohérent du début à la fin.

En compagnie de Jack Antonoff, membre du groupe The Bleachers et surtout paisible producteur (Lorde, Taylor Swift, St. Vincent), elle y faisait le tri pour écrire une vaste symphonie pop bercée par le ressac du Pacifique. Désormais autoproclamée « Venice bitch », Lana Del Rey nous racontait son épanouissement loin de la brume de New York, la plage et le mythe musical de Laurel Canyon. Elle acceptait enfin de vivre dans sa carte postale sépia pour se protéger d’un monde devenu trop agressif pour elle (et pour nous aussi, franchement), dont elle nous enverrait de temps à autre un message entre la baignade et l’apéro. Ce fut ensuite le doux et apaisé