
Ryuichi Sakamoto, Jacques et Paula Morelenbaum, Casa (Sony Classical, 2001)
Il y avait mille sentiers qui permettaient d’arriver à la musique de Ryuichi Sakamoto, le géant japonais de la pop music disparu il y a une semaine à 71 ans, après s’être battu contre deux cancers pendant de longues années où il a peu à peu mis sa vie musicale en ordre. Pour certains, c’était via Yellow Magic Orchestra, le groupe électronique défricheur qu’il a cofondé à la fin des années 1970 comme une réponse à la pop d’un nouveau monde créée au même moment depuis l’Allemagne par Kraftwerk. Pour beaucoup, ce fut uniquement à travers le thème insistant de Furyo en 1983, un film sur l’impossibilité des sentiments en temps de guerre, que Ryuichi Sakamoto a habillé d’une tension mélodique qui a largement dépassé le film lui-même
Pour moi, ce fut un disque en même temps marginal et absolument essentiel dans la vaste discographie du pianiste et compositeur japonais. Une suspension bossa nova nommée Casa et enregistrée en 2001 avec le couple Paula et Jacques Morelenbaum, qui furent accompagnatrice et producteur d’Antônio Carlos Jobim, le cocréateur de la bossa et l’un des principaux auteurs de son canon classique. Sakamoto aimait beaucoup la bossa parce qu’elle l’a sorti de sa zone de confort, qu’elle ne ressemblait à rien de ce qui a fait son éducation musicale depuis son enfance au piano (Bach, Debussy), puis à travers sa jeunesse d’étudiant musicien (les Beatles, John Coltrane, John Cage). La musique qui arrivait du Brésil dans les années 1960 et 1970 était autre, jazz et lettrée, romantique et rurale, psychédélique et doucereuse. Sakamoto a tout écouté, comme ce boulimique de musique a avalé le tango argentin à un autre moment, et a disséminé de la bossa nova un peu partout dans sa carrière solo entamée en 1984, après la séparation de Yellow Magic Orchestra.
Quand il a enregistré Casa, Ryuichi Sakamoto était entré dans une nouvelle phase de sa carrière. Après une série de projets qui réinventaient chaque fois un recoin de la pop music (B-2 Unit, Sweet Revenge, Smoochy), il avait entrepris de déconstruire sa frénésie mélodique dans une musique ambient (Raw Life, Audio Life) ou plus ou moins seul au piano (BTTB, 1996 avec Jacques Morelenbaum déjà). C’est là, au milieu de cet apaisement qui a perduré dans toute sa musique du XXI