
The Murlocs, Calm Ya Farm (ATO Records, 2023)
Si quelqu’un vit encore sur la Terre surchauffée de 2123 et tombe sur Calm Ya Farm, le nouvel album des Australiens de The Murlocs dans un bac de vinyles sur un vide-grenier, il aura du mal à accepter que ce disque est sorti en 2023 et pas en 1969. Et pourtant, le septième album du groupe en même pas dix ans est un disque complètement à part dans notre année musicale, un surgissement country-rock à tendance cosmique, plein de guitares et d’harmonica alors que l’époque du rap, de Rosalía et de l’afrobeats n’a, disons-le comme ça, plus grand-chose à foutre du rock chevelu que défendent les cinq membres du groupe. Et pourtant, une fois (re)branché sur la même fréquence temporelle que The Murlocs, cet album part loin et rouvre la faille temporelle où le rock et la country se sont croisés pour réinjecter des émotions décharnées sous les guitares clinquantes.
Avec cet album, les Murlocs se font enfin un nom alors qu’ils jouent sans s’arrêter depuis une décennie. Le problème, c’est qu’ils le font dans l’ombre de plus bruyants qu’eux : les gigantesques King Gizzard & The Lizard Wizard, dans lesquels jouent aussi les guitaristes Ambrose Kenny-Smith et Cook Craig, cofondateurs des Murlocs comme si King Gizzard ne leur suffisait pas. Car ce groupe mutant, qui change de style musical sans jamais rien lâcher sur l’énergie rock depuis 2010, est avant tout connu pour ses concerts marathons qui peuvent durer trois heures. Ambrose Kenny-Smith a ainsi déjà raconté comment il se retrouve parfois à enchaîner un concert des Murlocs, où il occupe la place centrale du chanteur, puis une plongée en eaux profondes avec King Gizzard, avant d’aller se coucher liquéfié de fatigue pendant que les autres font la fête.

L’un comme l’autre de ces deux groupes sans cesse curieux portent en étendard une indépendance et une débrouillardise qui, elle, est bien d’époque quand il faut à nombre de musiciens publier beaucoup de musique et se produire sur scène sans relâche pour boucler les fins de mois. Encore plus quand on part sur les routes à cinq musiciens ou plus, entassés dans le van avec les instruments et des cartons de vinyles à vendre de ville en ville. C’est cette croyance dans le bon vieux do it yourself réactualisé par le streaming qui fait exister un groupe comme The Murlocs et lui permet d’essayer absolument tout ce qu’il veut musicalement.