Aya Nakamura, Nakamura Deluxe Edition (Rec 118 / Warner Music, 2019)
Il fut un temps où on pouvait passer à côté d’Aya Nakamura. La chanteuse d’Aulnay-sous-Bois, dans la banlieue est de Paris, était déjà une figure repérée de la musique en France, mais elle parlait avant tout à un public ayant un lien avec l’Afrique de l’Ouest
Dans Nakamura, son deuxième album de 2018 qui ressort aujourd’hui avec quelques titres supplémentaires qui sont surtout là pour faire de l’agitation sur les plateformes de streaming, Aya Nakamura a carrément changé de catégorie. Elle a traversé les publics et les générations d’un coup. C’est rare, encore plus pour une femme noire en France, dans un milieu des musiques urbaines qui reste bien macho et a donné trop peu de figures féminines marquantes.
Aya Nakamura règle son compte à tout cela morceau par morceau, dans un grand tourbillons de musiques taillées pour le succès qui avalent la vague latino, le dancehall comme le reggaeton des Caraïbes, le zouk des Antilles, la trap qui est devenu le socle de tout le rap français, l’afrobeat toujours, et puis un peu de kora malienne pour adoucir certains titres. Nakamura choisit tout ce qui peut faire bouger les corps, mais pas à la façon de Magic System, lancé dans une fête permanente épuisante. La chanteuse, elle, sert des chansons facilement douces-amères, entre la conquête et l’abattement parce que la vie est faite de ça, qui prolongent directement Journal intime dans le récit très transparent du quotidien d’une jeune femme qui veut avancer sans se laisser instrumentaliser comme une chanteuse qui passe puis disparaît.
Partout, à commencer par ses tubes Djadja et Pookie, Aya Nakamura apprend aussi une nouvelle langue à un public qui ne vit pas la vie de banlieue et ses argots qui changent à chaque station de RER. Dans son écriture qui sonne souvent comme une articulation d’onomatopées qui s’accrochent au cerveau aussi bien qu’une chanson de Claude François, on met « la pookie dans l’side », on « dead ça » « en catchana ».