Nils Frahm joue du piano pour ceux qui n’écoutent pas de piano. Depuis le milieu des années 2000, l’Allemand, 37 ans, produit une musique entièrement basée sur cet instrument et ses nombreuses variations – synthés, orgues… –, qu’il empile sur scène en une cathédrale de câbles et de claviers qui tient de plus en plus de la performance théâtrale que du concert. Mais en studio, c’est autre chose et son nouveau disque, All Encores– qui compile des morceaux écrits pour un triple album trop ambitieux qui ne verra finalement pas le jour –, vient faire un bilan d’étape intéressant qui permet aussi de (re)découvrir ses multiples facettes.
Nils Frahm n’est pas un concertiste. Il a appris le piano pendant huit ans et a grandi dans un environnement musical – son père était proche du label ECM, pour lequel il a réalisé plusieurs pochettes de disque –, mais c’est un garçon de son temps, baigné notamment dans la techno allemande, le krautrock et ce qui relie ces deux musiques : l’art de la répétition. Sa musique se crée dans cet espace, dominé chez lui par la mélodie et le travail sur le son plus que par la virtuosité. Beaucoup de ses disques sont ainsi marqués par des limites qu’il s’est imposées lui-même : enregistrer avec un piano mis en sourdine à coup de feutrine pour travailler la nuit sans déranger les voisins (Felt), composer avec un pouce blessé (Screws), enregistrer des brouillons de pièces pendant deux ans et les associer dans un collage par la suite (Spaces). Il en résulte des enregistrements très intimistes, entre petites ballades nocturnes et pièces plus ambitieuses, où apparaissent parfois une trompette et des cordes, mais surtout des rythmiques électroniques house et techno qui viennent se brancher naturellement sur l’épais ouvrage organique joué au clavier.
Nils Frahm
— Photo Michal Augustini/Rex/Sipa.
All Encores s’ouvre ainsi sur des pièces très limpides, où l’on entend comme souvent directement le jeu de Nils Frahm ; les doigts bouger, le bois craquer, les marteaux taper les cordes. Puis Harmonium in the Well s’élève pendant onze minutes pleines d’écho, enregistrées sur un clavier que Nils Frahm a installé directement au-dessus d’un puits à Majorque parce qu’il aime bien le bricolage. C’est la seconde moitié du disque qui est la plus intéressante.