
Alogte Oho and his Sounds of Joy, Mam Yinne Wa (Philophon, 2019)
Savoir garder les oreilles ouvertes est un talent. L’Allemand Max Weissenfeldt l’a très certainement, lui qu’on a croisé au sein des trop rares Whitefield Brothers comme dans un nombre incalculables de projets à la croisée du funk, du jazz et surtout d’un groove baladeur avec un gros tropisme pour l’Afrique de l’Ouest. En 2014, le batteur et producteur a débarqué dans le nord du Ghana pour travailler avec Guy One, l’un des musiciens les plus reconnus parmi les Frafra, la population qui vit à cheval entre le Ghana et le Burkina Faso. Mais partout, dès la gare routière encombrée, les enceintes et les commerces crachaient une musique intrigante et inconnue, qui tenait du reggae mais aussi du highlife, cette musique funky mêlant jazz, cuivres des fanfares militaires et calypso caribéen jouée en grand orchestre au Ghana et dans une partie de l’Afrique de l’Ouest dans les années 1960 et 1970.
Max Weissenfeldt n’a pas mis longtemps à retrouver l’auteur de cette musique, que tout le monde connaissait bien dans le coin : Alogte Oho Jonas, 27 ans à l’époque, chanteur, musicien et chef du chœur de sa paroisse. Cinq ans plus tard, cette rencontre nous donne Mam Yinne Wa, un disque dans lequel il fait bon plonger pour en finir définitivement avec les musiques du monde, cette fabrication commerciale de l’Occident des années 1980, qui a trop souvent écarté les formes musicales les plus pop. Le travail commun d’Alogte Oho et de Max Weissenfeldt a commencé avec le petit tube évident qui donne aujourd’hui son titre à l’album, Mam Yinne Wa. Une mélodie à quatre voix, celle d’Alogte Oho et des trois choristes rencontrées à l’église qui forment son groupe, The Sounds of Joy, qui coule avec un groove insatiable évoquant les plus grands mélodistes du highlife

Le batteur allemand est donc reparti à Munich avec l’enregistrement sous le bras et l’a achevé à distance, Alogte Oho ne parvenant pas à obtenir de visa. Le résultat commence avec de petites bulles de son qui explosent à la surface d’une rythmique en contretemps, bientôt rejointes par un ensemble de cuivres au son contenu, typique des années 1960.