Makaya McCraven et Gil Scott-Heron, « I’m New Here, a Reimagining by Makaya McCraven » (XL Recordings, 2020)
Il y a dix ans tout pile sortait I’m New Here, le dernier album de Gil Scott-Heron, grand musicien américain du XXe siècle, broyé puis revenu in extremis au premier plan avec ce disque. Comme Rick Rubin est allé chercher Johnny Cash dans la dernière ligne droite d’une vie compliquée pour lui faire enregistrer une série poignante de disques à l’os, Richard Russell, le patron du label britannique XL Recordings (Adele, The XX…), a attrapé Gil Scott-Heron au moment où tout le monde se détournait de lui pour lui permettre d’enregistrer la plus belle des sorties, à peine plus d’un an avant sa mort du sida, en mai 2011. La rencontre avait beaucoup de sens, Russell est un garçon d’une grande curiosité qui sait parfaitement ce que la musique doit à Gil Scott-Heron, lui qui fut un grand frère de la scène américaine qui s’est réinventée à la fin des années 1970, à la jonction des mouvements politiques noirs, du blues et du hip-hop naissant. Son morceau le plus connu, l’intemporel The Revolution Will Not Be Televised, apparaît dans ce sens comme la matrice de beaucoup de musiques et de combats des décennies suivantes. Mais Gil Scott-Heron, sa voix profonde et ses textes qui se lisent comme des nouvelles noires, ont perdu du terrain quand le poète est tombé dans la drogue, avant de terminer en prison à plusieurs reprises au début des années 2000.
I’m New Here contenait toute cette dureté, toutes les galères, mais ne les laissaient jamais dominer l’envie flagrante, chez Gil Scott-Heron, de mettre ses affaires humaines en ordre dans une vie qu’il savait déjà condamnée.