
Phoebe Bridgers, Punisher (Dead Oceans, 2020)
Phoebe Bridgers, 25 ans, native de la Californie du Nord où l’on parle plus de la montagne que de l’océan, a réussi à se rendre indispensable en trois ans à peine. Le temps de deux albums solo, dont ce nouveau Punisher, et de deux déviations en groupe
De ses bases country et folk, et surtout de sa passion pour feu le maître de la mélancolie americana, Elliott Smith, chez qui elle voit autant un modèle qu’un musicien fascinant, Phoebe Bridgers a fait un disque d’une grande profondeur sonore. Un vrai aquarium de ses pensées qui s’installe lentement dans les oreilles

Phoebe Bridgers n’a pas la voix pour lui confier tout l’espace. La sienne est belle et se prête bien aux douceurs, mais elle n’est pas le timbre nerveux de PJ Harvey ou la rondeur de Chan Marshall (Cat Power). La Californienne en a plutôt fait un voile mat qui soutient des textes si épais qu’on pourrait ne faire que les lire. Grande parolière sur grande musique comme son mentor Elliott Smith, Phoebe Bridgers parle merveilleusement bien d’un amour devenu amitié indéfectible avec son batteur et collaborateur de longue date, Marshall Vore (I See You), de sa vision scientifique du monde incapable de toute irrationalité (Chinese Satellite) ou de la difficile place que l’on peut trouver auprès d’une personne autodestructrice (Graceland Too). Au passage, elle laisse derrière elle une histoire qui l’a rendue plus célèbre qu’elle ne l’aurait voulu : sa relation avec le chanteur Ryan Adams, qu’elle accuse, comme d’autres (l’ex-femme d’Adams, Mandy Moore, et la chanteuse Courtney Jaye, notamment), de harcèlement sexuel et de manipulation psychologique. Elle avait 20 ans, cherchait sa voie dans la musique. Lui a profité de son statut.