Shabason, Krgovich & Harris, Philadelphia (Idée Fixe Records, 2020)
Fermez les yeux et essayez de décrire les meubles et les objets qui vous entourent au quotidien. De vous souvenir de tel coquillage ramassé sur une plage si importante ce jour-là, mais dont vous avez oublié le nom – et même le pays. De cette affiche d’exposition, de ce livre rassurant, de cette plante qui a failli mourir cet été. C’est à cet exercice pas si facile de poésie instantanée que se livre le Canadien Nicolas Krgovich dans son nouvel album Philadelphia, cette fois en compagnie du clavier Joseph Shabason et du percussionniste Chris Harris.
C’est déjà l’un des très beaux disques de cette fin d’année 2020, un album d’ambient chanté doucement jazzy, minimaliste, calme comme un lac d’automne et pourtant très riche si l’on prend le temps de le regarder. On avait laissé Nicolas Krgovich avec Ouch en 2018, un disque de rupture aigri comme il faut mais qui n’atteignait jamais pleinement le touchant. Philadelphia est tout autre – et d’ailleurs pas du tout un disque d’amour, plutôt une respiration dans le sens yogique du terme. Lente, profonde, avec l’espoir qu’elle fasse du bien à l’intérieur. Shabason, Krgovich et Harris ont lancé ce projet à distance pendant de longs mois de 2017 et 2018, s’envoyant des bouts de chansons sans parvenir à les finir car il manquait un élément à leur premier travail en trio : la promiscuité, les longues journées enfermés en studio