
Sufjan Stevens, The Ascension (Asthmatic Kitty Records, 2020)
Il y a dix ans à l’Olympia, à Paris, lors de la tournée chargée de porter son album The Age of Adz, Sufjan Stevens avait résumé sa carrière en un geste scénique. Ça se passait au bout de 45 minutes de concert, peut-être un peu plus. Jusque-là, l’affaire était du Sufjan classique : un banjo, une guitare, des mélodies angéliques chantées de cette voix comme soufflée depuis les nuages qui a fait son succès depuis son explosion internationale avec une série de trois albums brillants et évidents : Michigan (2003), Seven Swans (2004) et surtout Illinois (2005). On était bien installés dans le coton joué par l’Américain, 45 ans aujourd’hui, puis tout a basculé. Tout d’un coup, au milieu d’une bluette, la salle s’est comme ouverte sous les pieds des spectateurs et Sufjan Stevens s’est retrouvé habillé en superhéros fluo et queer, avant de finir le concert en toupie sur une cavalcade électronique complètement délirante.
The Ascension, le huitième album de Sufjan Stevens tout juste sorti, rejoue cette glissade stylistique dans le sens où ce disque a été annoncé comme le successeur de Carrie & Lowell (2015), chef-d’œuvre introspectif où il rassemblait ses souvenirs d’enfance sur un fond folk et des orchestrations douces pour honorer sa mère, décédée trois ans plus tôt. En réalité, The Ascension est à nouveau cette explosion de couleurs et de rythmes qui vient régulièrement briser toute tentative d’enfermer Sufjan Stevens dans ses chansons les plus confortables. Ce ne sera une surprise que pour ceux et celles qui n’ont pas suivi l’intégralité de sa carrière, car elle est après finalement tout autant dominée par les expérimentations électroniques, les collages vrillés et les chansons contrariées que par les grandes odes folk à l’Amérique qui l’ont fait connaître. Prenez Enjoy Your Rabbit, The BQE ou The Age of Adz et c’est un Sufjan Stevens plus tordu qui se dessine.

Malgré tout, The Ascension est aussi autre chose, car l’électronique ne sert ici plus à briser les lignes droites mais à construire une suite pop. Cet instrumentarium, c’est globalement une série de synthétiseurs Prophet (modèles 08, 6 et X) et des boîtes à rythmes, alors que tous les autres instruments habituels étaient coincés dans des cartons pour cause de déménagement de New York vers les montagnes des Catskills. S’ajoutent aussi la guitare de Bryce Dessner (The National), un vibraphone et beaucoup de textures sonores, qui font de