
Kylie Minogue, Disco (Darenote/BMG)
La caméra passe entre les maisons d’une banlieue australienne bien rangée. Il n’y a personne dans la rue, à peine une voiture qui passe au loin, un chat qui traverse devant nous en prenant tout son temps. Le silence et l’ennui sont palpables. Il fait beau, un peu moite. Le pays est confiné depuis un mois et demi. D’un coup, la caméra s’élève, tournoie entre deux grands arbres puis plonge vers une maison blanche et rentre par une fenêtre restée ouverte. Il y a une adolescente allongée sur son lit, les yeux ouverts dans le vague. « Viens m’aider à faire le ménage », hurle son père au loin. Après un grand soupir, elle ferme alors les yeux et se retrouve projetée dans une maison idéale, lumineuse et gigantesque, et elle danse comme elle n’a jamais dansé, un aspirateur à la main au son du nouvel album de Kylie Minogue, Disco.
On imagine déjà parfaitement le clip qui accompagnera le nouvel album de la chanteuse australienne, tant Disco est une version idéalisée, plastifiée, « Disneyfiée » de cette musique qui fut dans les années 1970 une libération humaine et artistique pour l’underground des gays, des Afro-Américains et des femmes avant de devenir la caricature d’elle-même et le véhicule du machisme cool à la fin de la même décennie. C’est le quinzième album de Kylie Minogue, que l’on ne qualifiera pas de diva parce qu’elle a fait de sa carrière, débutée à 19 ans avec un tube magistral, The Loco-Motion, qui aurait pu rester sans lendemain, un mélange de silences maîtrisés et de travail patient sur son image d’ouvrière du fun dansant qui l’ont régulièrement ramenée au premier plan tout en faisant d’elle une marraine réfléchie de la pop music internationale. C’est encore réussi avec Disco, qui vient de faire de Kylie Minogue, 52 ans aujourd’hui, la première femme a atteindre la première place des classements de disques britanniques cinq décennies d’affilée.

Si beaucoup d’albums de Kylie Minogue ont été des concepts fugaces et pas toujours réussis, tel son virage pop-rock en 1997 dans Impossible Princess ou sa réincarnation en chanteuse de country émotive dans Golden en 2018, le disco est une autre affaire car cette musique a traversé toute sa carrière parce qu’elle fonctionne toujours grâce à ses principes limpides : une rythmique basse-batterie ultra solide sur lesquelles se branchent des embellissements libres. On en trouve un peu partout, dans une version souvent musclée à l’électronique, à travers ses albums :