San Salvador, La Grande Folie (Pagans, 2021)
Pas de marimba ni de rythmes latins dans cette chronique cette semaine. Si l’on parle de San Salvador, ce n’est pas pour la capitale du Salvador, petit pays d’Amérique centrale coincé contre l’océan Pacifique, mais pour le groupe qui tire son nom de Saint-Salvadour, village de Corrèze, 297 habitants au dernier pointage. San Salvador donc, qui a entrepris de moderniser à son tour le patrimoine musical occitan de l’ouest du Massif central et sort un premier album bouillonnant et actuel, La Grande Folie. Si le groupe tourne depuis quelques années, il existe en fait depuis toujours ou presque, car ses six membres se connaissent depuis leur enfance passée dans les petites rues de Saint-Salvadour. C’est là que deux d’entre eux, Gabriel et Eva Durif, ont baigné dans les passions et le travail de leur père, Olivier Durif, venu de Lyon pour s’installer là où les musiques le touchaient dans les années 1970.
Les fidèles lecteurs et lectrices de Face A, face B, se disent à ce moment-là : tiens, ça me rappelle l’histoire de Malicorne (lire l’épisode 25, « Arlt et Malicorne, chansons de fond de terroir » ), fameux collectif des mêmes années 1970 qui avait entrepris, avec d’autres groupes, de documenter, chanter et projeter vers un autre siècle des chansons et airs traditionnels des campagnes de France. Olivier Durif est de cette première génération qui imitait les collectes américaines de la famille Lomax, qui a permis de documenter des chansons de bagnards ou des blues oubliés ; San Salvador est la suivante. Pile poil. Olivier Durif a notamment fondé le Centre régional de musiques traditionnelles du Limousin pour sauver des chansons, partant du principe qu’il vaut mieux commencer par regarder autour de soi plutôt que de fantasmer un autre monde, puis il a passé le virus à ses enfants, qui l’ont refilé à leurs amis. Chaque fois, il s’agissait non pas de faire de ces chansons un musée de la pureté folklorique, mais de créer, de remuer la musique à partir de ces airs intemporels.
San Salvador est donc avant tout une histoire d’amitié musicale qui dure, à tel point qu’on retrouvait déjà les six membres du groupe sur un disque d’enfants de 2002, Noël qui vient, Noël qui va, enregistré lors d’un atelier avec Olivier Durif. Par la suite, chacun a vécu sa vie, s’est formé au piano, à la trompette, à la clarinette ou à l’accordéon, a étudié la sociologie ou la danse contemporaine, à Marseille, à Limoges ou à Paris.