
Kings of Convenience, Peace or Love (EMI, 2021)
Onze ans de silence, c’est juste le temps d’enfiler un gros pull marin et de sortir dans le vent de Bergen pour les deux Kings of Convenience, mais c’est beaucoup pour publier enfin un quatrième album en vingt ans, Peace or Love. La carrière du duo norvégien est un éloge de la lenteur et de l’épure depuis ses débuts avec le programmatique Quiet is the New Loud (2001) et ce nouveau disque, avec son titre façon reggae positif et sa pochette de compilation de reprises lounge, vient tenter d’aller encore un peu plus loin dans la disparition, l’effacement dans le crépuscule nordique.
« Notre but ultime, c’est de tirer le plus de textures et le plus de musique de deux guitares et deux voix uniquement, a expliqué récemment Erlend Øye, moitié rousse du duo formé avec le brun Eirik Glambek Bøe. L’idée est de faire le plus avec des moyens très limités. » Pour en arriver là, Kings of Convenience a carrément enregistré Peace or Love cinq fois, retirant au fur et à mesure l’écorce des chansons pour les réduire à des esquisses allégées qui tiennent fragilement sur deux guitares, mais aussi parfois un violoncelle, un piano et même une batterie sur une chanson, Catholic Country. Tout autour, les voix s’associent, dominées par celle d’Erlend Øye qui considère davantage que la musique est son métier quand Eirik Glambek Bøe n’existe que ponctuellement et timidement dans les disques de Kings of Convenience. S’il a tout de même sorti un album avec le groupe Kommode en 2017, il a ainsi passé la dernière décennie chez lui à Bergen, à s’occuper de ses enfants et à poursuivre des études de chimie. La musique n’a toujours été pour ce doux timide qu’un interstice dans ce besoin de tranquillité normale, tandis qu’Erlend Øye, de loin le plus extraverti des deux, s’est installé un temps à Berlin pour y créer le groupe The Whitest Boy Alive, puis à Syracuse, en Sicile, où il enregistre depuis quelques années de la pop italienne ouvragée avec La Comitiva. Sans oublier un album solo marqué par le reggae et la bossa nova (Legao, 2014) et un récent disque de confinement branleur et vite oublié (Quarantine at El Ganzo, 2020).
Kings of Convenience est le terrain où se retrouvent, de loin en loin, les deux Norvégiens que la vie a éloignés après leur rencontre originelle à Bergen dans des circonstances qu’ils s’amusent à réécrire sans cesse.