Avertissement : cet épisode décrit des violences.
En mars dernier, au procès du meurtrier de Sandra Helleputte, lorsque les policiers décrivent l’état du domicile où ils ont découvert le corps, ils paraissent encore épouvantés sept ans après. En 2015, cette femme avait été battue à mort, chez elle, des heures durant par son ex-compagnon (lire l’épisode 5, « Malgré les plaintes, la mise à mort de Sandra Helleputte »). Quand Émilie, la sœur de Sandra Helleputte, prend la parole à son tour devant la cour d’assises de Douai (Nord), elle laisse éclater sa douleur : « L’appartement, c’est nous qui sommes allés le nettoyer. J’avais fait un devis, c’était plus de 5 000 euros. Mais nous, on ne pouvait pas le payer alors on l’a fait seuls. C’était comme après une tornade, tout était retourné. Il y avait des touffes de cheveux partout qu’on a ramassées. Les murs pleins de sang, c’est nous qui les avons essuyés. »
Dix-huit mois après le féminicide de sa sœur, Sandrine Bouchait aussi est entrée dans l’appartement où sa cadette, Ghylaine, a été brûlée vive par son ex-compagnon en 2017. « J’ai marché là où il y avait eu le corps. Il y avait des morceaux de cuir chevelu de ma sœur au sol, retrace-t-elle. Il y avait les gants des médecins, les compresses, tout était par terre, c’était innommable. Les scènes de féminicide, ce sont de véritables scènes de guerre. » Pour des raisons administratives, Sandrine Bouchait n’y a pas touché depuis, ne l’a pas nettoyé ni fait nettoyer. Mais au sein de son association, la présidente de l’Union nationale des familles de féminicides (UNFF) est régulièrement confrontée au traumatisme de proches qui doivent eux-mêmes remettre en état le domicile où leur sœur, leur fille, leur mère a été tuée. « L’un de nos adhérents a épongé lui-même le sang de sa fille égorgée, poursuit Sandrine Bouchait, effarée. On a aussi trois jeunes filles qui ont dû laver les morceaux de cervelle de leur mère parce que la société qu’elles avaient appelée avait mal lavé la maison. C’est un traumatisme supplémentaire, c’est inimaginable. »
Une fois que les scellés sont levés, à partir du moment où ça ne sert plus à rien à l’institution, ce n’est plus son problème. C’est une véritable logique d’abandon.
D’autant plus que, dans l’immense majorité des féminicides, le meurtre survient au domicile de la victime. Jusqu’il y a peu, le nettoyage incombait systématiquement aux familles ou aux proches. « J’ai de tout temps été confronté à cette problématique, relate François Drageon, un avocat pénaliste chevronné de La Rochelle (Charente-Maritime), plus de vingt ans de robe au compteur.