François Logerot a beau avoir 83 ans, il est encore capable de rester debout quelques heures. Le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), premier témoin entendu au procès du financement du Front national, a passé la matinée de ce mercredi à la barre « sans désemparer », comme on dit dans les rapports de police. Quand un avocat entreprenant a tenté de lui faire dire ce qu’il n’avait pas dit, il a même eu la moelle de s’énerver. La défense a tendance à surfer sur une idée simple : puisque la CNCCFP a validé les comptes de campagne de tous les candidats frontistes aux législatives de 2012, c’est qu’il n’y a pas de problème. La commission ne voit pas tout à fait les choses sous cet angle. Ses pouvoirs d’investigation sont limités et elle ne saurait se substituer à la justice, dont les missions sont différentes.
Diplômé de l’ENA (en 1962 !) et issu de la Cour des comptes, François Logerot a rappelé le rôle de l’autorité administrative qu’il dirige depuis 2005 dans un exposé longuet mais précis. D’un côté, vérifier que les partis politiques remplissent leurs obligations comptables, tout en les laissant libres de leurs dépenses. De l’autre, contrôler le compte de campagne des candidats à toutes les élections pour déterminer s’ils peuvent être remboursés par l’État.

Mais François Logerot insiste aussi sur les limites de l’exercice. Des délais contraints, d’abord : la CNCCFP reçoit les comptes de campagne deux mois après l’élection (au cœur de l’été pour des législatives) et doit rendre sa décision six mois plus tard. Un certain décalage temporel, ensuite, entre l’examen des comptes des candidats et celui du parti qui les soutient : « Dans le cas des législatives, la commission arrête ses dernières décisions en février de l’année suivante. Les comptes du parti ne lui sont délivrés qu’à la fin du mois de juin. » Alors que les remboursements des candidats sont déjà actés, des soupçons d’irrégularités peuvent apparaître avec retard. Le président de la CNCCFP cite l’exemple du microparti Jeanne, mais aussi celui de Bygmalion, l’agence de com accusée d’avoir surfacturé des prestations lors de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2012. Enfin, il rappelle que la commission n’a accès ni « au secret fiscal » ni « à la comptabilité des entreprises » prestataires. Elle se borne à interroger les candidats et à leur demander des pièces justificatives.
Dans cette entreprise de vérification, la CNCCFP s’appuie sur ses rapporteurs.