Jeudi, au procès du Front national, était une journée à thème. Et le thème, c’était Frédéric Chatillon, l’ancien gudard et patron de la boîte de com Riwal. L’inépuisable, l’invincible, l’inattaquable Frédéric Chatillon– ah oui, pardon, le thème, c’était Frédéric Chatillon par lui-même. Au bout de six heures à la barre, sa légende a du plomb dans l’aile mais il aura usé toute sa tchatche pour tenter de déjouer les accusations d’abus de biens sociaux qui l’encerclent. Frédéric Chatillon a eu la matinée pour s’exprimer sur les avantages qu’on l’accuse d’avoir accordé à Jeanne et au Front national, (lire l’épisode 6, « Petites faveurs et échanges de bons CDD »), puis l’après-midi pour se défendre de tout enrichissement personnel. Il est notamment poursuivi pour avoir fait reposer son train de vie et celui de sa compagne, Sighild Blanc, sur les comptes de leurs sociétés respectives, Riwal et Unanime. Grâce aux contrats passés avec le FN, leurs affaires sont florissantes. Il est reproché à Frédéric Chatillon d’avoir tantôt confondu les poches, tantôt gonflé les gains grâce à de fausses factures. Il s’en défend, bien sûr, et s’attache à laver l’honneur de sa compagne en son absence.
De 2011 à 2013, Frédéric Chatillon voyage beaucoup aux frais de Riwal. Le service de renseignement Tracfin, très intéressé par cette particularité, compte 10 000 euros de billets d’avion vers Milan, Pékin, Moscou, Prague, Beyrouth, Shanghai ou Punta Cana. Frédéric Chatillon voyage tantôt seul, tantôt accompagné de Sighild Blanc, de ses enfants ou de ses amis politiques. La plupart du temps, avance le prévenu, il s’agissait de « voyages de boulot ». Aficionado du régime syrien – il a notamment travaillé pour le ministère du Tourisme –, Frédéric Chatillon continue malgré la guerre à se rendre « deux fois par an » à Damas, en taxi depuis Beyrouth, pour entretenir ses « très bons rapports avec le gouvernement ». Il accompagne Marine Le Pen à Milan et Moscou, tout en essayant d’en « profiter pour prendre des contacts sur place » et voir s’il n’y aurait pas « des opportunités de business ». « Mon développement ne sera pas en France, donc je fais feu de tout bois. J’essaie de trouver, pour Riwal, des débouchés à l’extérieur. » En Autriche, il rencontre « des gens du FPÖ », le parti nationaliste. En Chine, il rêve de « développer le tourisme » comme en Syrie.
Frédéric Chatillon lors du congrès du Front national, à Lille, le 11 mars 2018
— Photo Alain Guilhot/Divergence-images.
« Vous me dites que c’est de la prospective », attaque le procureur, Nicolas Barret, en rappelant que Frédéric Chatillon s’est offert « des hôtels de luxe » avec la carte bleue de Riwal.