De Béziers (Hérault)
Le nom claque en grosses lettres au-dessus de la vitrine : « Ménard. Votre députée. » En plus petit, un prénom : « Emmanuelle ». Avenue Saint-Saëns, la permanence qui vient d’ouvrir offre aux Bitterrois un nouveau choix. Enfin, nouveau… Après avoir élu Robert maire en 2014, ils peuvent envoyer son épouse, soutenue par le FN, à l’Assemblée nationale. Quelle chance ! Dans la famille Ménard, je demande la femme, jusqu’ici connue sous son nom de jeune fille, Duverger, mais devenue Ménard depuis le 10 mai, date de son intronisation tardive. « Robert Ménard considère que ce qui compte, c’est la marque », explique Jean-Michel Du Plaa, qui dirige les élus PS à la municipalité. Donc, va pour la marque Ménard, et tant pis si ça fait jaser sur le thème « le roi veut faire élire sa reine », formule que la candidate En marche Isabelle Voyer affirme avoir entendue sur le marché.
« Il ne veut pas que quelqu’un d’autre puisse exister dans le département », ajoute Du Plaa. Deux Ménard pour le prix d’un ? Pour André-Yves Beck, vieux routier de l’extrême droite et ancien directeur de cabinet de Robert Ménard à la mairie, pas de doute : « S’il l’envoie, c’est pour avoir un député qui ne lui causera aucun problème. » Élie Aboud, député LR sortant, épingle le reniement : « En 2014, Robert Ménard est arrivé en disant “le système, il faut l’exploser, je suis contre les arrangements”. Et il met son épouse pour contourner la loi interdisant le cumul des mandats. » L’affable médecin a peaufiné sa formule : « On a eu monsieur et madame Mégret, monsieur et madame Balkany, monsieur et madame Bompard, mais on n’aura pas monsieur et madame Ménard. Parce que sinon, ils vont vivre des soirées difficiles et je suis pour la paix des ménages : grâce à moi, ils ne se disputeront pas. » Enfin, c’est ce qu’il espère, estimant qu’on n’est pas élu juste en disant « je suis la femme de… ». Et puis, avance Du Plaa, présenter sa femme après l’affaire Fillon, c’est « moins porteur ».
Pendant trois ans, on m’a décrite comme celle qui tire les ficelles, et maintenant je ne serais qu’une femme potiche qu’il présente pour contourner l’interdiction du cumul des mandats ?
L’intéressée, qui hésite souvent sur les questions de fond et répond « Robert Ménard ! » quand on lui demande quel homme politique elle admire, balaye ces critiques : « Je ne suis pas madame Fillon. Je ne suis pas un emploi fictif. Mon adversaire balance des noms comme le couple Balkany, mais il me semble qu’ils sont plutôt dans son parti, non ? Et on n’a pas d’affaires financières. » Sur son changement de nom, elle tente une pirouette : « Si j’avais utilisé Duverger, certains me l’auraient reproché. Je ne vais pas avancer masquée. » Et d’ailleurs, dans son bureau de la mairie, Robert Ménard assure : « Emmanuelle n’avait aucune envie d’y aller. » Il a même cette curieuse formule : « On l’a décidé un peu malheureusement », quand Robert Gély, maire de Lieuran-lès-Béziers désigné par le FN, a décliné.