Le cheminement des idées est parfois étrange. Qui aurait pu parier qu’une réforme institutionnelle défendue par quelques militants depuis des années, dans une totale indifférence, soit reprise par un mouvement social né à l’origine en réaction à une hausse des taxes sur le gazole, jusqu’à en devenir sa principale revendication ? Et qui aurait pu imaginer que, à peine quelques jours après son apparition sur la scène publique, cette demande semble s’imposer sans presque aucun adversaire sérieux ? C’est ce qui arrive actuellement au référendum d’initiative citoyenne. L’introduction de cette procédure dans le droit français, poussée par de très nombreux gilets jaunes depuis début décembre, est défendue par – ce qui était prévisible – une partie de la gauche : La France insoumise et le PCF ont annoncé le dépôt prochain d’une proposition de loi pour instaurer un tel outil dans le droit français. Mais elle a aussi trouvé un relai inattendu : Édouard Philippe, qui a déclaré lundi 17 décembre, dans une interview aux Échos, ne pas voir « comment on peut être contre son principe » car « le référendum peut être un bon instrument dans une démocratie ». Attention cependant à ne pas crier victoire trop tôt. Le Premier ministre a aussitôt ajouté que ce type de référendum ne pouvait pas être fait « sur n’importe quel sujet ni dans n’importe quelles conditions ». De quoi réduire de beaucoup la place de cet instrument visant à approfondir notre démocratie.
Le principe du référendum d’initiative citoyenne, prononcé R.I.C. ou « ric » par les gilets jaunes, c’est d’offrir à un certain nombre de citoyens la possibilité de soumettre directement au corps électoral une question en se passant des représentants traditionnels (parlementaires ou pouvoir exécutif). Appelée aussi référendum d’initiative populaire, c’est une idée loin d’être utopique : elle est déjà mise en pratique dans quelques pays (Italie, Liechtenstein, Taïwan…) ainsi que dans plusieurs États américains (dont la Californie). Mais c’est la Suisse qui montre l’exemple : dans cet État fédéral, les citoyens peuvent déclencher des « votations » sur des sujets constitutionnels, être à l’origine de textes de loi (mais uniquement au niveau du canton ou de la commune) et disposent d’un droit de veto sur des textes déjà adoptés au Parlement, à condition de réunir, suivant les cas, 50 000 ou 100 000 pétitionnaires.