Et la rédaction de BFMTV enfila son gilet jaune. Bon, les journalistes n’en sont pas encore à enfoncer la porte de la direction à coups de transpalette ni à occuper un rond-point pour bloquer l’accès des véhicules au campus Altice où loge la chaîne d’info en continu dans le XVe arrondissement de Paris, mais quand même. Quand même, BFMTV a connu mardi dernier sa première, sa toute première assemblée générale en un peu plus de treize ans d’existence. Non seulement elle a connu sa première AG, mais voilà que, dans la foulée, un texte de revendications a été adressé à la direction et adopté à une large majorité : 99 %, avec 173 votants sur 220 inscrits. Wow. Si la fièvre jaune se met à gagner les médias…
À l’instar du mouvement des gilets jaunes, c’est une cocotte-minute qui bouillait depuis longtemps au sein de la chaîne du groupe Altice et qui, à la faveur de l’explosion sociale dont elle se repaît à longueur d’antenne, lâche d’un seul coup la vapeur. Comme chez les gilets jaunes, le mouvement s’est engrainé en quelques heures sur un groupe privé WhatsApp et du jour au lendemain, pouf : l’AG.

C’est trop. Tout est trop. Trop de directs sans fin, trop de gnons ramassés par les équipes sur le terrain, trop de pressions subies de la part de la direction de la rédaction, trop d’éditorialistes en plateau pérorant pendant des heures. Trop. « On a la tête dans le guidon avec les gilets jaunes, explique François Pitrel, président de la Société des journalistes (SDJ) de BFMTV. Cette crise a fait qu’on a foncé tête baissée sans toujours nous poser de questions sur notre travail. » La goutte d’eau ? La couverture de l’arrestation du gilet jaune Éric Drouet le 2 janvier et les jours qui ont suivi : « On en a fait des caisses, c’était n’importe quoi », peste un journaliste. Mais pour le même, Drouet n’est qu’un déclencheur d’un malaise plus profond : « C’est une accumulation, le ras-le-bol et l’impression de faire de la merde. »
On prend pour tout le monde. Aujourd’hui, le mot “BFM” égale “médias”. On est devenu les représentants du système et ce, à tort ou à raison.
Il y a, évidemment, aussi ce sport devenu national chez certains gilets jaunes, de pratiquer la chasse au journaliste de BFMTV, même si ce week-end, LCI, notamment, en a fait les frais. On le sait : quand elles se déplacent au contact des gilets jaunes, les équipes sont désormais flanquées de vigiles et masquent toute référence à la chaîne qui les emploie, jusqu’à la bonnette, la mousse qui entoure les micros, désormais anonyme. « Maintenant, même les journalistes culture sortent avec des bonnettes neutres », se désole un cadre de la rédaction.