Édouard Philippe a répété plusieurs fois sa petite phrase, sur le plateau de TF1 ce lundi soir, comme pour s’assurer d’être repris : « Les casseurs n’auront pas le dernier mot. » Face à un Gilles Bouleau plus chaud qu’les lacrymos, prêt à déloger lui-même le dernier gilet jaune du dernier rond-point à coups de transpalette, le Premier ministre a pu dérouler ses annonces sécuritaires sans encombre ni surprise : pas de carotte, que des bâtons. Après deux mois de « samedis noirs » et d’affrontements, « on doit changer nos méthodes », a lancé Édouard Philippe. Dès samedi prochain, il promet de redéployer les forces de l’ordre en grand nombre : 80 000 fonctionnaires dans toute la France, dont 5 000 à Paris – soit un peu moins que le 8 décembre (lire l’épisode 7, « Manifestation à fragmentations »). Les policiers et les gendarmes seront bientôt dotés de « nouveau matériel » et poussés à se montrer « plus mobiles ». Mais c’est sur le plan législatif que le Premier ministre se montre le plus inventif. Pour « préserver la liberté de manifester », le gouvernement a en effet décidé de la restreindre. Plus tôt dans la journée, Christophe Castaner avait déjà promis de contrer « l’ultraviolence » des gilets jaunes par « l’ultrafermeté » du ministère de l’Intérieur, ce qui nous conduisait aussitôt à l’imaginer torse nu, des électrodes de musculation sans effort plantées sur les pectoraux.
En guise de mesure phare, Édouard Philippe propose d’appliquer aux « manifestants violents » un traitement jusqu’alors réservé aux supporters de foot suspectés de hooliganisme : décerner à certaines personnes, ciblées par les services de renseignement, une interdiction administrative de participer aux rassemblements. Les modalités restent encore à définir, mais cela reviendrait peu ou prou à ressusciter une mesure appliquée pendant l’état d’urgence (lire l’épisode 21 de l’obsession L’étincelle), tardivement censurée par le Conseil constitutionnel et devenue impossible depuis. Actuellement, les interdictions individuelles de manifester ne peuvent être prononcées que par un juge, à titre de peine complémentaire contre une personne condamnée.

Pour franchir ce pas de taille entre décision judiciaire et police administrative, l’exécutif prévoit de soutenir une proposition de loi déposée par le sénateur Les Républicains Bruno Retailleau – en réaction aux manifestations violentes du 1er mai dernier – et votée en première lecture par le Sénat le 23 octobre dernier.