Deux mois après les annonces du Premier ministre Édouard Philippe, promettant sur TF1 de durcir la législation pour répondre aux violences dans les manifestations de gilets jaunes, (lire l’épisode 16, « Fini les carottes, c’est le retour des bâtons ») la loi dite « anticasseurs » a été définitivement adoptée ce mardi soir, par 210 voix contre 115. Le Sénat s’est rangé à la version de l’Assemblée nationale (lire l’épisode 26, « La loi anticasseurs passe, la frondinette trépasse »), par certains aspects encore plus liberticide que la proposition initiale du sénateur Les Républicains (LR) Bruno Retailleau (lire l’épisode 24, « Loi anticasseurs : le flou dans la bergerie »).
Désormais, les préfets pourront prononcer des interdictions individuelles de manifester, soit rassemblement par rassemblement, soit pour une durée d’un mois (renouvelable), sur tout le territoire. Masquer son visage lors d’une manifestation deviendra un délit, sauf à pouvoir le justifier par un « motif légitime ». Malgré ses « interrogations » sur la constitutionnalité de ces mesures, le Sénat a estimé qu’il y avait « urgence » et a privilégié l’adoption « rapide » du texte pour qu’il puisse être mis en œuvre dès que possible. Les Républicains, La République en marche (LREM) et une partie des centristes se sont accordés contre l’avis de l’aile gauche. Et renvoient désormais la balle au Conseil constitutionnel, comme l’a finement assumé Philippe Bas (LR) en commission : « S’il devait trouver à y redire, nous n’en serions pas offensés, puisque la dégradation du respect des libertés individuelles n’est pas de notre fait. »

Les « Sages », dont trois viennent d’être nommés à ce poste – Alain Juppé, Jacques Mézard et François Pillet – ont un mois pour se prononcer. L’opposition, à l’Assemblée comme au Sénat, a annoncé son intention de les saisir du texte. Fait exceptionnel, le président de la République Emmanuel Macron compte le faire aussi. C’est seulement la deuxième fois depuis le début de la Ve République, après François Hollande en 2015 sur la loi renseignement. Comment interpréter ce geste ? Une façon de désamorcer les critiques, en apparaissant comme le « garant des libertés publiques » vanté par le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux ce lundi, mais aussi de limiter les contestations ultérieures devant les tribunaux. Devant les sénateurs, le ministre de l’Intérieur