Qui aurait dit qu’en 2015, l’abandon du charbon serait la principale mesure mise en avant par les grosses entreprises françaises pour évoquer leur engagement climatique ? Dans un pays qui a fermé sa dernière mine il y a plus de dix ans et où seulement cinq centrales à charbon fonctionnent encore. Et pourtant, de Total à Engie (ex-GDF Suez) en passant par la Société générale et BNP Paribas, c’est le gratin du CAC 40 qui a, quelques mois ou quelques semaines avant le lancement de la COP 21 à Paris, déclaré son désamour pour cette roche sale.
Voilà donc l’énergie fossile la plus émettrice de CO2 qui se retrouve ostracisée par les patrons, souvent suite aux pressions des pouvoirs publics ou des ONG. Mais il faudrait être bien naïf pour croire que des entreprises qui polluaient – ou contribuaient à la pollution – sont devenues subitement vertueuses.
Cession d’actifs
Total a été le premier à se présenter comme exemplaire. Dès le 1er juin 2015, Patrick Pouyanné, son dirigeant, glisse, à la fin d’une conférence de presse où il présente les engagements du groupe envers le climat : Il faut être cohérent. J’ai encore une petite activité de charbon, il faut en sortir.
En fait, trois activités sont concernées : la filiale Total Coal South Africa (TCSA), propriétaire de mines et cinquième producteur de charbon sud-africain (qui sera vendue au groupe local Exxaro Resources pour 445 millions d’euros), la filiale CDF Energie (70 millions d’euros de chiffres d’affaires), qui distribue du charbon à des clients industriels en France, ainsi qu’une partie des traders de Total qui spéculent sur cette énergie.
Tout cela est dérisoire par rapport aux revenus du groupe (178 milliards d’euros en 2014), réalisés principalement par l’extraction, la transformation et la vente de pétrole et de gaz (dont les fameux sables bitumeux canadiens en Alberta, considérés comme une catastrophe écologique
par Greenpeace). Et la vente des filiales à charbon ne bénéficiera pas au climat, puisque l’activité continuera chez un autre propriétaire.

D’ailleurs, la vente de TCSA n’était pas, à l’origine, motivée par des raisons climatiques. L’opération a été enclenchée dès l’été 2014, et Total expliquait alors qu’elle faisait partie d’un plan général de cession d’actifs destiné à se concentrer sur ses actifs stratégiques
. Mais cela permet à Pouyanné de sortir l’argument « au fait, j’abandonne le charbon » à chaque occasion où il doit parler climat devant un public.
La semaine du 12 octobre 2015 est un bon exemple de cette stratégie de communication.