En janvier 1988, alors que Jean-Marie Villemin vient d’être remis en liberté après le meurtre de Bernard Laroche, Laurence Lacour, correspondante d’Europe 1 dans l’est de la France, suit depuis trois ans l’affaire Grégory. Elle commence à mesurer à quel point les médias se sont trompés et fourvoyés dans le traitement de ce fait divers. C’est à ce moment-là qu’Europe 1 la missionne pour partir couvrir le Paris-Dakar 1988, édition qui deviendra la plus meurtrière de toute l’histoire du rallye. « En tout, il y a eu huit morts, coureurs et autochtones. » Un pneu de la voiture qu’elle occupe avec un pilote vient de crever dans un village du Mali. Alors qu’elle attend patiemment la réparation, adossée à la portière, un concurrent surgit à 140 km à l’heure et percute une petite fille, sous ses yeux : « Je vois la fillette valdinguer et le pilote foncer. Il fait demi-tour mais, en voyant deux Blancs, nous fait signe de nous en occuper, et repart comme si de rien n’était. La police locale nous a retenus le temps que les organisateurs arrivent en hélicoptère pour payer les obsèques et dédommager les parents », raconte Laurence Lacour aux Jours. Le soir, du bivouac, encore toute retournée, la reporter envoie un sujet. Le lendemain, le 20 janvier, elle veut en passer un autre sur les ondes mais son chef refuse : « Non, c’est un accident de la route, c’est bon, on ne va pas revenir là-dessus. » Ulcérée, la reporter entend démissionner dès son retour à Paris : « C’est fini, ce métier n’est pas fait pour moi. » Mais ses collègues l’en dissuadent : « L’affaire Grégory t’a fatiguée, repose-toi. »