Robert Neuburger a quand même été « sonné » au début de l’épidémie. Pendant trois semaines, le psychiatre et psychanalyste a été « comme figé, paralysé ». Il n’arrivait pas à penser, il n’arrivait pas à « intégrer ». Il est parti dans sa maison à la montagne, dont il n’est plus sorti, et ça a été la solution. « J’ai vécu des périodes très favorables sur le plan des avancées médicales, comprend le soignant. Quand j’étais jeune, il y avait des polio, il y avait des tuberculoses. Le BCG et le vaccin contre la polio ont permis l’éradication presque totale de maladies graves, qui affectaient les enfants. J’ai vécu ça en me disant que la médecine allait sauver le monde. » Alors « se retrouver confronté à ça aujourd’hui… C’est un choc incroyable, en tant que médecin ». Tout à coup, « les médecins se sont trouvés impuissants. Ils ne comprenaient rien au virus. On avait un monde de certitudes, en Europe et, là, on rencontre un monde d’incertitude. » Le spécialiste des « sentiments dépressifs », ainsi qu’il nous l’expliquait dans l’épisode précédent (lire l’épisode 4, « “Il y a une carence relationnelle incroyable en ce moment” »), parle de « chute de croyance » : « Plus personne ne se sent protégé à aucun niveau. Ni économique, ni social, ni médical. » La jeune Elhia pense aussi que « ça aura changé des choses, irrémédiablement », à son échelle. L’étudiante marseillaise estime qu’elle était « très naïve sur la vie ». Elle croyait que « ça irait toujours bien même s’il y avait un truc grave ». Elle n’a plus « cette insouciance », elle sait que « tout peut basculer ». La jeune femme résume : « Je dois accepter de vivre dans l’incertitude, même si c’est insupportable pour moi. »