Samuel donne l’image d’un passager qui descend d’un train et prend une rue qu’il croit connaître, en éprouvant un sentiment d’étrangeté qu’il ne comprend qu’en réalisant qu’il s’est trompé de gare (lire l’épisode 5, « Après des mois, le déluge ? »). Pour le naturaliste lyonnais, c’est le risque aujourd’hui. Croire qu’on sait où on est. Alors qu’il le crie presque : « On ne sait ni où on est, ni où on doit aller, ni ce qu’on doit faire ! »
Visiblement, Bruno Latour a eu la même impression puisqu’il a intitulé son dernier livre Où suis-je ?, sous-titré « Leçons du confinement à l’usage des terrestres » (La Découverte, 2021). « Pas facile de reconnaître où [on] se trouve, surtout après un si long confinement, le visage masqué, en sortant dans les rues aux rares passants dont [on] ne voit que le regard fuyant », commence-t-il. D’autant moins que, désormais, où que nous posions les yeux autour de nous, tout est source d’inquiétude : le soleil rappelle le réchauffement climatique, l’eau sa raréfaction, l’air sa pollution, les champs l’agriculture intensive, etc. Il nous faut penser à nos moindres gestes. Alors qu’avant, il n’y a pas si longtemps, nous allions, insouciants.
Le philosophe compare ce qui nous est arrivé à une « métamorphose » : nous nous réveillons en ce moment le corps fourbu, maladroits dans nos mouvements, comme revêtus d’une carapace. D’où la comparaison avec le héros de Franz Kafka, Gregor Samsa, qui se découvre un beau matin cancrelat.