De Kyiv
Il y a toujours quelque chose de résolument artisanal dans la construction des drones kamikazes FPV (pour « first person view », « vue à la première personne ») déployés par dizaines de milliers sur la ligne de front en Ukraine. Deux paires d’hélices disposées en rectangle et reliées au moteur par une frêle armature en fibre de carbone, des fils électriques et des circuits électroniques apparents, une petite caméra, des colliers en plastique Colson noirs pour serrer le tout. Et, accrochée au poitrail, une ogive souvent récupérée d’un lance-roquettes soviétique sur laquelle quelqu’un a parfois griffonné au marqueur une exhortation ou des vœux dégoulinants de sarcasme : « Pour les enfants », « Bisous de Mykolaïv »…
Le pilotage, au moyen de futuristes lunettes en plastique noires, a ses exigences pour le soldat ukrainien. Avoir d’abord un estomac bien accroché, et un cerveau capable de gérer la contradiction entre les signaux visuels virevoltants envoyés sur les lunettes et une oreille interne obstinément immobile. Endurer cette isolation sensorielle synonyme de vulnérabilité sur le champ de bataille. S’habituer à la sensibilité d’une machine nerveuse comme un colibri, que le pilote dirige à coups de microajustements, le plus souvent en rase-mottes.