Cette fois ça y est, il a eu sa peau. Selon les informations des Jours, le vieux requin Nicolas de Tavernost a bel et bien dégommé son éternel dauphin, Christopher Baldelli, ainsi que le laissait entendre Le Figaro ce jeudi. C’est un sacré divorce au sein du groupe RTL en France, qui détient à la fois la chaîne M6, dirigée de tout temps par Tavernost, et la première radio de France, à la destinée de laquelle préside Baldelli depuis dix ans. Et toujours selon nos informations, Nicolas de Tavernost a déjà choisi celui qui remplacera Christophe Baldelli : ce devrait être Régis Ravanas, chipé au groupe TF1.
Entre Tavernost, 68 ans, et Baldelli, 54 ans, la guerre est sourde mais féroce. Depuis l’intégration de RTL dans M6 en 2018, Baldelli n’est plus le seul maître à bord ; il a Tavernost au-dessus de lui. Ce n’est plus lui qui décide de son budget ; c’est Tavernost. Entre les deux, même si Baldelli ne laisse rien paraître, ça tangue. Et Baldelli a fourni à Tavernost l’argument en or pour l’éjecter : RTL n’est plus la première radio généraliste de France, dépassée par France Inter depuis le début de l’année, perdant le trône où elle siégeait depuis des lustres, précisément 1985, quand les audiences radio sont mesurées pour la première fois. Sur la dernière vague, la station a perdu 500 000 auditeurs en un an. Gloups. Ironie de l’histoire, selon nos informations, les chiffres intermédiaires de RTL qui ne sont pas publics mais que Nicolas de Tavernost a en sa possession sont très bons.
Impitoyable – il est comme ça –, Tavernost n’aura pas laissé une chance à Baldelli de se refaire la cerise : dehors. L’intéressé a appris la nouvelle lundi soir : adieu rêve doré sur tranche de devenir un jour calife à la place du Tavernost. Il faut dire qu’on ne le déboulonne pas ainsi, celui qui a lancé M6 en 1987 avec Jean Drucker, dont il prend la place en 2000. Il y a un mois tout juste, Nicolas de Tavernost faisait même adopter une résolution portant de 70 à 72 ans l’âge maximum pour les membres du directoire, prolongeant ainsi son règne jusqu’en 2022. « Pour Baldelli, indique un salarié de RTL, la situation de tension avec Tavernost était tenable dans l’optique où son départ était proche et qu’il avait la possibilité de le remplacer ou alors d’avoir un autre patron au-dessus de lui, mais ce n’était plus le cas. » Pourtant, Tavernost avait prévenu. Au Figaro en 2017, il disait : « Il y a plein de managers de talent au sein du groupe, toute une génération excellente prête à nous couper la tête. Mais comme dit malicieusement un de mes amis entrepreneur, “Je partirai quand je serai vieux”. »
Il supprime un dauphin trop pressé, il fait semblant d’enclencher sa succession comme ses actionnaires le lui ont demandé et il affaiblit un concurrent, TF1.
Un fin observateur du secteur applaudit l’exploit du matois Tavernost : « Il supprime un dauphin trop pressé, il fait semblant d’enclencher sa succession comme ses actionnaires le lui ont demandé et il affaiblit un concurrent, TF1. » Car le nouveau-venu, Régis Ravanas, était jusqu’alors numéro 3 du groupe rival détenu par Bouygues, derrière son président Gilles Pélisson et le « directeur général adjoint en charge des contenus », Ara Aprikian. C’est donc Ravanas qui dirigera RTL. À peu près inconnu du grand public, Ravanas est une vieille connaissance de Tavernost : il a passé treize ans à M6, entre 1995 et 2008, où il s’est successivement occupé de la diversification – l’une des recettes du succès de la Six – avant de s’occuper des programmes. Les exégètes de M6 se souviendront peut-être d’un riant concept lancé sous son patronage en 2003 : À bout de forces, un jeu, évidemment produit par Endemol (Loft Story, Star Academy, etc.), où il s’agissait de ne pas dormir. À TF1, Régis Ravanas sera remplacé par François Pellissier, patron des sports de la Une.
Ravanas a rejoint TF1 en 2009, avec la mission de réussir sur la Une ce qu’il a entrepris sur la Six, la diversification de l’antenne. Ravanas a un temps été tenté par Vivendi avant de renoncer, au point, écrit L’Opinion, d’être qualifié de « traître » par Vincent Bolloré, jamais en mal d’un compliment, comme le savent les habitués de L’empire, la série des Jours. Le journal rapporte aussi cette amabilité, venue des couloirs de TF1 où l’on surnomme cette perpétuelle envie d’ailleurs et de faire monter les enchères « faire une Ravanas ». Cette fois, « la Ravanas » est conclue.