Pour déconsidérer l’impôt qui frappe les héritages, Milton Friedman l’appelait la « death tax », la « taxe sur la mort ». À écouter les candidats à la présidentielle, il semblerait que les idées de l’économiste libéral américain, décédé en 2006, aient gagné la France. Tout le monde ou presque veut s’attaquer à l’impôt sur les successions et faciliter les donations. Selon beaucoup d’économistes français, cet unanimisme est pourtant une aberration qui ne fait que renforcer une tendance lourde et négative : notre pays se transforme en une société d’héritiers, 60 % du patrimoine de ses habitants étant aujourd’hui issu d’un héritage, contre 35 % dans les années 1970. Le Conseil d’analyse économique (CAE), qui dépend du gouvernement, a justement publié une note en décembre dernier qui recommande de s’attaquer aux « inégalités patrimoniales fondées sur la naissance, dont l’ampleur est beaucoup plus élevée que les inégalités observées pour les revenus du travail ». Mais son message peut-il être entendu alors que, dixit Emmanuel Macron dans Le Parisien, nous serions une « nation de paysans » dont « la transmission » constitue « l’ADN » ? Examinons cela de plus près.
Le thème des droits de succession, on l’a d’abord vu monter lors de la primaire des Républicains (LR). Éric Ciotti incarnait alors l’élève modèle de l’école de Chicago, celle de Milton Friedman, appelant à supprimer les « impôts sur les morts ». Le 29 novembre dernier, le député des Alpes-Maritimes déclarait ainsi : « On paye toute notre vie les impôts les plus élevés au monde et nous sommes encore taxés sur le fruit d’une vie de travail après notre mort, c’est inadmissible ! » Face à lui, Valérie Pécresse était moins radicale, mais la candidate a fini par s’aligner sur les positions de son rival battu. Fin janvier, elle indiquait : « La transmission est au cœur de mon projet. » Si elle est élue, elle promet désormais de supprimer les droits de succession pour « 95 % des Français », avec la possibilité pour chaque enfant d’hériter de 200 000 euros sans payer le moindre impôt. Soit un doublement de l’abattement en vigueur aujourd’hui, qui s’élève à 100 000 euros. Elle a aussi proposé d’augmenter la fréquence des donations défiscalisées. Actuellement, il est possible pour chaque parent de transmettre 100 000 euros à chacun de ses enfants tous les quinze ans ; la candidate LR souhaite que ce soit « tous les six ans ».

Mais, sur le terrain du « choc de transmission de patrimoine » (la formule est encore de Valérie Pécresse), elle est loin d’être seule.