Il faut être prêt pour le Festival d’Avignon en juillet. Alors, chaque année depuis trois ans, ça recommence : devant le recul des aides publiques, les troupes de théâtre privées lancent leur campagne de financement participatif pour tenter d’emmener leur dernière pièce dans le off. Le petit milieu du théâtre parle beaucoup du crowdfunding ces derniers temps, les politiques un peu. Ce n’est pas un grand thème de la campagne présidentielle, façon revenu universel (lire l’épisode 7, « Revenu universel et corrigé »), costumes gratuits et emplois fictifs (lire l’épisode 8, « Corruption partout, corruption nulle part »), mais c’est l’un de ceux qui agitent le petit monde de la culture – avec la guerre contre YouTube (lire l’épisode 1 de La fête du stream), notamment.
C’est François Fillon qui fait la proposition la plus concrète pour inscrire dans le marbre ce nouveau mode de financement au niveau régional, à côté de la billetterie, des aides publiques et du mécénat d’entreprises privées. Le candidat des vieux cathos… pardon, des Républicains souhaite ainsi, dans la proposition 14 de son programme, « diversifier les modes de financement [de la culture] en soutenant le recours […] au financement participatif (crowdfunding). Par exemple, les régions pourront conditionner l’octroi d’une part de leurs subventions à des projets ayant déjà rassemblé une part majoritaire des fonds nécessaires au travers d’une collecte participative ». Pour François Fillon, le crowdfunding est donc une solution, un mythe moderniste qu’il suffit d’invoquer pour remplacer des collectivités locales appelées à se désengager de la culture. La réalité est plus complexe.

Le principe du financement participatif, « crowdfunding » en anglais, est désormais bien connu. De multiples plateformes – dont deux, KissKissBankBank et Ulule, se partagent une large majorité des campagnes en France – permettent à tout internaute de proposer à la foule en ligne de cofinancer un projet. En échange : un grand merci bien souvent, un accès privilégié parfois, voire une précommande. On trouve aujourd’hui de tout sur les plateformes de crowdfunding : le nouvel album du rappeur picard Kamini, le nouveau journal en ligne Médiacités ou une classe de la Somme qui voudrait partir en voyage en Pologne. C’est la version moderne de pratiques qui remontent au XIXe siècle au moins. Entre 1865 et les années 1880, plusieurs appels au dons ont ainsi permis de financer la construction de la statue de la Liberté à New York.